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De l'identification des îlots de chaleur urbains aux solutions de végétalisation

Cet article est issu d'un atelier dédié aux îlots de chaleur urbains proposé dans le cadre du Lab des transitions.

Le 1er décembre 2022, l'IREV proposait, en partenariat avec le Pôle métropolitain de l'Artois et les agglomérations de Lens-Liévin, Béthune-Bruay-Artois-Lys Romane et Hénin-Carvin, un séminaire territoriale : le Lab des transitions. A cette occasion, un atelier a été organisé sur les îlots de chaleur urbains en présence de Guy Chautard, pour l'ADULM, Virginie Drique pour l'Agence d'urbanisme de l'Artois (AULA) et Cathy PACCOU DUPONT pour le département du Pas-de-Calais. Cet article en est la synthèse.

Ilots de chaleur urbains, surchauffe urbaine : de quoi parle-t-on ?

Pour l'Agence d'urbanisme de l'Artois (AULA), un Ilot de chaleur urbain (ICU) désigne la différence de température entre les milieux urbains et les zones rurales en prenant en compte un écart de température Jour/Nuit lors d’épisodes caniculaires.

La surchauffe urbaine correspond, quant à elle, a un écart de température de surface en journée entre milieu urbain et milieu rural/milieu naturel, sans prise en compte du refroidissement nocturne.

Comment mesurer ces phénomènes ?

La technique de thermographie permet d’identifier, par infrarouge, des zones de chaleurs. En combinant thermographies aérienne et au sol, il est ainsi possible d’identifier finement des écarts de températures entre différentes surfaces et matériaux. A partir de cette collecte, par comparaison entre journées et nuits de fortes chaleurs, il est possible d’identifier des différences, entre les tissus urbains, de températures de plusieurs degrés, en surface.

Point d’attention : Lorsque l’on parle de température en surface, il ne s’agit de température à l’intérieur d’un logement, mais bien d’une température relevée à la surface d’un matériau. Par exemple : température au sol sur un bitume, sur une toiture…

Utilisant cette technique de la thermographie, l’agence d’urbanisme de Lille Métropole (ADULM) a ainsi pu réaliser une carte métropolitaine des îlots de chaleurs confirmant les premières intuitions et qui ont servi de support à une étude plus approfondie (traitement et modélisation des données). De son côté, l’Agence d’Urbanisme de l’Artois (AULA) à utiliser une thermographie satellitaire pour analyser les phénomènes de surchauffe urbaine.

Support d'intervention - AULA - Surchauffe urbaine

Support d'intervention de l'Agence d'Urbanisme de l'Artois sur une étude de surchauffe urbaine.

Support d'intervention de l'Agence d'Urbanisme de l'Artois sur une étude de surchauffe urbaine.

Un regard nouveau sur des vulnérabilités que certains quartiers prioritaires vivent ?

Sur les premières mesures effectuées par l’ADULM, il est apparu des nécessités méthodologiques en complément de la simple thermographie aérienne. Par exemple, le rôle du végétal y était difficilement mesurable. En effet, la cime d’un arbre peut apparaitre à la même température qu’un minéral, pourtant, son ombre projeté va avoir un effet sur la température au sol sans que cet effet soit mesurable sur une thermographie aérienne. Il a donc été privilégiée une approche au sol, complémentaire à l’aérien ainsi qu’une mise en place de typologies d’objets urbains et de matériaux par thermographie au sol (cours d’eau, arbres, façades…)

L’intérêt des végétaux est à trouver dans la restitution de la fraicheur qu’ils vont provoquer : la transpiration des végétaux la nuit permet une baisse de température, alors qu’un matériau va lui restituer la chaleur accumulée en journée. Une zone bien végétalisée va donc permettre une baisse des températures la nuit. En période de canicule sur plusieurs journées, les végétaux vont permettre de garder une fraicheur relative comparer à d’autres matériaux. Une canicule est ainsi plus facilement supportable dans un environnement végétalisé que dans les environnements urbains sans végétation.

Sur Lille l’activité humaine (dite anthropique) se mesure sur deux activités principales :

  • Le réseau de chaleur urbain (il est possible de suivre son réseau par les fuites qui le compose sur la métropole)
  • Le passage des voitures sur la chaussée (les moteurs réhaussent l’asphalte à hauteur d’un degré)

L’orientation et la morphologie urbaine (formes, gabarits, matériaux, part de végétation et d’imperméabilisation des tissus urbains regroupés par catégories homogènes) vont avoir des effets sur la chaleur. S’ajoute à cela l’effet orientation : ainsi les façades plein sud ou plein ouest vont accumuler la chaleur. L’effet est ensuite le suivant : la paroi va chauffer l’isolation puis les logements. Si le logement est bien isolé pour la chaleur, l’effet sera plus ténu et inversement.

Les constats globaux qui peuvent être posés :

  • L’imperméabilisation des sols conduit quasi systématiquement aux îlots de chaleurs (la température de nuit des zones imperméabilisées y est plus élevée),
  • Les types de matériaux sont cruciaux sur les effets de captation / restitution de la chaleur
  • Des configurations et juxtaposition vont créer des conditions d’apparition d'îlots de chaleur urbains (La configuration Grands ensembles + parking goudronné + orientation au sud est créatrice d’îlot de chaleur + couleurs sombres des matériaux => cf albédo des matériaux).

Appliquée à la problématique de la Politique de la ville et du renouvellement urbain, quelle analyse ?

Sur le bâti, notamment dans le cadre de la rénovation urbaine :

  • Y a-t-il des configurations qui doivent être revues ?
  • Le choix des matériaux effectué lors d’un projet est-il pertinent par rapport à cette problématique des îlots de chaleurs ?
  • Les bâtiments sont-ils prévus pour une isolation chaud/froid (cf la notion de conforts d’été et hiver dans les réglementations thermiques) ?
  • Qu’en est-il de l’imperméabilisation des sols ?
  • Comment désimperméabiliser et végétaliser ce qui a été identifié comme un îlot de chaleur ? La végétalisation choisie doit être efficace, sur du moyen et long terme (plutôt des espèces locales et résistantes).

Sur la population :

  • En cas de canicule, le quartier est-il suffisamment pourvu en îlot de fraicheur pour les populations vulnérables (personnes âgées, enfants) ?
  • Les équipements de proximité sont-ils utilisables par les habitants lors d’épisodes de chaleur (revêtement des aires de jeux, matériaux utilisés pour les bancs, locaux des activités accueillant des personnes plus vulnérables…)

Mais pourquoi a-t-on imperméabilisé ?

L’imperméabilisation des sols revêt des avantages pratiques qui ont souvent conduit à ce choix, que ce soit sur les espaces publics, les aires de stationnement, les cours de bâtiments.

  • Dans une visée hygiéniste (lutte contre les allergies), les cours de récréation des écoles ont ainsi été progressivement goudronnée afin que les enfants puissent jouer sans se salir.
  • Les coûts de gestion d’un espace minéralisé ou goudronné sont bien moindres qu’un espace végétalisés : les coûts de gestion (nettoyage et entretien) y sont réduits. A noter que pour certains territoires, la répartition des compétences conduits à des choix de minéralisation : quand les espaces végétalisés relèvent d’une gestion municipale et les espaces de voirie d’une gestion métropolitaine,les municipalités ont une tendance à opter pour le minéral dans les choix d’aménagement.
  • L’usage des véhicules de tout type (y compris secours) y sont facilités quel que soit le temps.

L’expérience de la végétalisation des cours de récréation dans les collèges du Pas-de-Calais est à ce titre intéressante. Une opération de végétalisation des cours de récréation du collège Jean Zay à Lens a été menée par le département du Pas-de-Calais (année, collège). Il est apparu que la végétalisation devait également s’accompagner d’une démarche pédagogique auprès de la communauté éducative et des familles.

Ilot de chaleur : l'expérience du département du Pas-de-Calais

Support d'intervention du département du Pas-de-Calais sur les ilots de chaleurs et les expériences menées sur les bâtiments scolaires.

Support d'intervention du département du Pas-de-Calais sur les ilots de chaleurs et les expériences menées sur les bâtiments scolaires.

En effet, le retour de la végétalisation peut être synonyme également de feuilles l’automne, de boues, de risques d’allergie accrus de ce que l’imaginaire collectif interprète comme des nuisances. Les démarches de végétalisation s’accompagnent de paire avec un apprentissage de la nature en ville. Des ateliers sont ainsi proposés aux collégiens, aux familles et aux habitants pour contribuer à cette renaturation et à l’appropriation de cette démarche. D’ailleurs, les habitants sont souvent moteurs dans les projets et poussent les pouvoirs publics à aller plus loin dans ces démarches.

A contrario, un des freins à ces démarches restent les choix budgétaires. En effet, sur des budgets contraints de réhabilitation de bâtiment ou de construction, le choix le plus audacieux est souvent recalé au profit du choix le plus économe qui se révèle aussi souvent être un choix moins en phase avec l’impératif de transition. Par exemple, le coût d’une toiture végétalisée est ainsi supérieur à une toiture dite « classique ».

Deux enjeux viennent donc en interaction directe avec la renaturation en ville :

  • Les enjeux de gestion urbaine et sociale de proximité : comment les acteurs d’un quartier peuvent se coordonner et coopérer pour que la gestion des espaces renouvelés et végétaliser soient optimales
  • Les enjeux de participation citoyenne avec des pratiques participatives contribuant à une bonne appropriation des espaces renaturés : jardins partagés et collectifs, espaces pédagogiques de biodiversité, gestion des eaux, du compostage comme découverte de la nature.
  • Sur les projets urbains, la question bioclimatique est à intégrer dans la conception et dans les cahiers de charges.

Pour aller plus loin sur les territoires, il conviendrait d’analyser le croisement entre type d’habitat, vulnérabilité des populations et îlots de chaleurs. L’échelle infra communale semble être pertinente, en fonction de la disponibilité des données (IRIS, notamment pour bénéficier d’une vision en QPV et hors QPV).

Ces démarches peuvent être croisées avec les enjeux de mobilité (favoriser les mobilités douces), de pollution atmosphérique ou sonore, de traitement des biodéchets, de consommation énergétique.

#1 - Guy Chautard - ADULM - Ilots de chaleur urbains

Présentation du phénomène des ilots de chaleur urbains et leur impact sur les quartiers de type "grands ensembles".

Présentation du phénomène des ilots de chaleur urbains et leur impact sur les quartiers de type "grands ensembles".