Vous êtes ici

Précédent
  • Accueil
  • Actualités
  • Trajectoires et Origines 2 : apports et perspectives en matière de lutte contre les discriminations
Favoris

Trajectoires et Origines 2 : apports et perspectives en matière de lutte contre les discriminations

Dans une conférence du 18/01/2023 organisée au Musée de l'histoire de l'immigration, Patrick Simon (Ined) ainsi que Pierre Tanneau et Odile Rouhban (Insee) reviennent sur les premiers apports du deuxième volet de l'enquête Trajectoires et Origines en matière de discriminations, en présence de Claire Hédon (Défenseure des Droits).

L’enquête TeO, entamée en 2008, est produite conjointement par l'Ined et l'Insee. Elle a pour objectif de comprendre l’influence de l’origine sur les trajectoires individuelles. Le deuxième volet de cette étude statistique, réalisé 10 ans après l’enquête initiale, permet d’observer les évolutions concernant les populations en lien avec l'immigration sur le territoire, mais aussi d’intégrer de nouveaux éléments d’analyse : elle s’interroge notamment sur le vécu discriminatoire des enquêté.es et sur leurs réactions face aux discriminations.

Les spécificités de l’enquête TeO2

L’enquête repose sur la constitution de trois groupes d’enquêté.es :

  • Les immigré.es (ou première génération) : personnes nées à l’étranger de parents étrangers ;
  • Les enfants d’immigré.es (ou deuxième génération) : personnes nées sur le territoire français dont au moins un des parents est immigré ;
  • Les petits-enfants d’immigrés (ou troisième génération) : personnes nées sur le territoire français dont au moins un des grands-parents est immigré.

C’est la première étude statistique française à intégrer des enquêté.es de troisièmes générations, ce qui représente un apport majeur dans l’étude des populations issues de l’immigration. TeO2 a également pour spécificité d’aborder des questionnements très variés, y compris sur des thématiques qui n’étaient pas présentes dans le premier volet, comme la religion, l’identité ou encore les réactions face aux discriminations. Avec un temps moyen passé avec les enquêté.es d’1h10, cette étude comporte une richesse et une densité qui en font un outil fondamental de la statistique publique.

Les premiers apports de l'enquête

Des populations en lien avec l’immigration très présentes mais inégalement réparties sur le territoire

Les premiers résultats de TeO2 permettent d’établir que 9% de la population est immigrée tandis que 12% de la population est composée de descendants d’immigré.es. Plus globalement, sur trois générations, un tiers de la population a un lien avec l’immigration.

Par ailleurs, la répartition de ces populations sur le territoire est très inégale. Les immigré.es, tout comme leurs descendant.es, sont davantage présent.es dans les grandes agglomérations et notamment dans celles d’Ile-de-France. La concentration de ces populations est également plus forte à Marseille, à Lyon et sur les territoires frontaliers.

Une diversification et une hybridation des origines migratoires

Si, parmi les immigré.es de plus de 70 ans, les origines européennes sont majoritaires, les individus âgés de 18 à 50 ans sont davantage originaires du continent africain. L’étude fait également état d’une diversification des origines migratoires, avec notamment l’augmentation de la part d’immigré.es originaires du continent asiatique. Chez les descendant.es directs d’immigré.es, huit mineurs sur dix sont d’origine non-européenne.

L’enquête relate aussi une forte mixité des unions qui a tendance à augmenter au fil des générations : aujourd’hui 2/3 des immigré.es sont en couple avec une personne qui n’est ni immigrée, ni de deuxième génération.

Un ressenti de la discrimination en augmentation mais qui fait rarement l’objet d’un recours en justice

L’étude TeO2 comporte des éléments qui permettent d’objectiver les discriminations :

  • L’auto-déclaration du sentiment de discriminations ;
  • Le récit de l’expérience de situations d’inégalité objectives ;
  • Les réactions adoptées face à ces discriminations ;
  • La comparaison a posteriori des écarts entre les deux premières variables.

Entre le premier et le deuxième volet de l’enquête TeO, la déclaration du sentiment de discrimination à augmenter de 5 points de pourcentage, passant de 14 à 19%. Ce phénomène est présent de façon encore plus prononcée chez les enfants d’immigré.es.

Malgré cette augmentation du ressenti de la discrimination, seulement 3% des auto-déclarations sont suivies d’une plainte. La majorité des enquêté.es déclarent ne pas réagir à ces discriminations en raison d’un sentiment d’impuissance. La prédominance du non-recours laisse la place à un fort « potentiel d’amélioration » en termes de lutte contre les discriminations et met en lumière l’inertie de l’action publique dans ce domaine.

Les actions du Défenseur Des Droits en matière de Lutte Contre les Discriminations

Claire Hédon, Défenseure Des Droits, rappelle la nécessité d’une meilleure promotion des droits et des libertés en matière de discriminations pour agir sur le taux de non-recours. Le lancement d’une plateforme téléphonique de recueil des discriminations a notamment permis de visibiliser davantage les droits des personnes qui subissent les discriminations.

Pour lutter contre les discriminations à l’embauche, elle insiste sur l’utilité des campagnes de testing mais avance que seule l’adoption de sanctions décourageantes à destination des employeurs peut avoir un impact sur la réduction de ce type de discriminations.

L’enquête TeO2 permet d’objectiver l’existence de violences policières et de discriminations systémiques. Le DDD s’appuie notamment sur cette étude pour avancer sur la réalisation de l’un de ses objectifs en matière de lutte contre les discriminations, à savoir aboutir à la traçabilité des contrôles d’identité par les forces de police.

La discrimination positive comme outil de LCD

Dans un contexte méritocratique fort, la mise en place de dispositifs de discrimination positive pose question. Si la parité en politique à fait ses preuves en termes de réduction des inégalités femmes-hommes, la discrimination positive sur la base de l’origine est, elle, interdite par la constitution.

La politique de la ville, en ciblant l’allocation de ressources sur les territoires les plus en difficultés, permet de réduire les inégalités territoriales et de lutter contre les discriminations sur la base du lieu de résidence, qui est le cinquième motif de discrimination déclaré dans l’enquête TeO.

Le référentiel universaliste de l’action publique pose un frein aux institutions dans leur manière de penser la prise en charge des discriminations ethno-raciales et les conduit à conserver des mécanismes de fonctionnement facteurs de discriminations. L’enquête TeO, en objectivant les discriminations et notamment en visibilisant l’existence de violences et de discriminations systémiques, met en avant la nécessité d’une mise en place de politiques de lutte contre les discriminations proactives.

Publié le 21 février 2023