La loi SRU, Solidarité et renouvellement urbain, votée le 13 décembre 2000 visait à développer la mixité urbaine de l’habitat. Son article 55 impose l’obligation pour les 2000 communes les plus importantes de disposer d’un taux minimal de logements sociaux de 20 ou 25% par rapport à l’ensemble des résidences principales de la commune. Ces objectifs doivent être atteints pour les communes d’ici 2025.

Des objectifs triennaux atteints, mais un dispositif inégalement mis en oeuvre

Le rapport pointe un effet positif de la loi qui a induit la production de 210 737 logements sociaux locatifs entre 2017 et 2019 dans les communes soumises à la loi, avec un objectif triennal atteint à 107%. Cependant le rapport relève de grandes disparités de l’application de l’article 55 sur le plan géographique.

Au 1er janvier 2019, 2091 communes étaient concernées par le périmètre d’application de l’article 55 et donc tenues de remplir les objectifs dudit article. 1 100 d’entre elles n’avaient pas atteints le taux prévu de logement sociaux.

De plus, le rapport relève qu’un nombre significatif de communes n’aura pas atteint l’objectif de 20 ou de 25% de logements sociaux en 2025. Le président de la commission SRU estime que moins d’un tiers des communes concernées atteindra l’objectif légal en 2025.

Des mécanismes de coercition peu appliqués

Les communes concernées par l’article 55 de la loi qui n’ont pas rempli leurs objectifs sont qualifiées de « communes déficitaires », et doivent à ce titre verser un prélèvement sur leurs recettes. Un prélèvement pensé comme une sanction pour les communes, mais également comme une incitation à rattraper le retard pris, puisque ce montant est déduit des dépenses consacrées au logement social.

Au terme du bilan 2017-2019, parmi les 1 100 communes qui n’ont pas atteint leurs objectifs, seules 280 communes ont été déclarées carencées. En 2013, les moyens de coercition pouvant être mis en œuvre par l’Etat ont été renforcés.

Le rapport de la Cour appuie sur la nécessité de « mieux garantir les moyens de coercition confiés au préfet de département lorsqu’une commune est carencée » car il a été relevé la difficile application des moyens de coercition, et leur mise en œuvre variable selon les départements.

Peu d’amélioration de la mixité sociale

Si l’article 55 de la loi a eu un effet indéniable sur la production de logement social, « il est moins évident qu’il ait significativement contribué à développer la mixité urbaine et sociale, objectif premier de la loi SRU ». Le rapport relève les contradictions entre deux objectifs de la loi : celui de la production de logements et celui de la mixité sociale.

La volonté d’atteindre rapidement les objectifs fixés par la loi, conduit certaines communes à « concentrer le logement social dans certains quartiers ou certains espaces dans lesquels le foncier demeure moins cher et plus disponible, renforçant ainsi la ségrégation et la ‘ghettoïsation’ ».

Complexité du dispositif et divergences d’interprétation quant à son application

La Cour relève des tensions entre la promotion des intercommunalités et de leur rôle, avec la responsabilité de l’application de l’article 55 qui reste celle des communes. Des tensions sont également relevées quant à l’application uniforme des quotas de 20 ou 25% de logements sociaux sur le territoire.

Depuis le vote de la loi il y a plus de vingt ans, les conditions de production du logement social ont connu des évolutions.

Il a été appuyé la nécessité de prendre en compte les spécificités locales dans l’application de la loi, ce qui a conduit le législateur à élargir ce taux au-delà du logement locatif social pour y inclure les structures d’hébergement, les logements-foyers et les terrains locatifs familiaux prévus pour l’accueil des gens du voyage.

Un « indice de tension du parc social » a été inclu. Il désigne le ratio entre le nombre de demandes de logement locatif et le nombre d’emménagements annuels au sein du parc. Cet indice est utilisé pour définir le pourcentage de 20 ou 25% qui doit être appliqué par la commune.

Des dispositifs d’exemption ont également été prévus, en cas d’insuffisance de la desserte en transports en commun et de l’inconstructibilité de la majeure partie du territoire urbanisé.

La complexité de la loi et la technicité des règles applicables imposent des moyens supplémentaires du côté de l’Etat pour accompagner les communes et pour contrôler l’utilisation du prélèvement effectué sur les communes déficitaires.

Les préconisations du rapport

La Cour des comptes a également mis en avant un certain nombre de préconisations pour améliorer l'efficacité de l'article 55 de la loi :

  • Préciser les mécanismes d’exemption et la gestion des reports d’une période d’engagement triennale
  • Assurer un meilleur suivi des contentieux relatifs à l’application de l’article 55 au niveau national
  • Développer le rôle d’expertise, d’appui technique et d’harmonisation en matière d’application de l’article 55 de l’échelon régional de l’État au profit des services déconcentrés départementaux
  • Améliorer les outils de recensement et de suivi des situations locales dans un objectif de simplification et de fiabilisation.
  • Inscrire l’obligation de rendre compte de l’emploi des sommes issues des prélèvements SRU pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les établissements publics fonciers (EPF), et donner à l’État la possibilité d’agir en cas d’usage non conforme des crédits
  • Préciser au niveau national les conditions de l’utilisation des moyens de l’État en cas de carence en assurant la diffusion des éléments de doctrine ainsi que l’information sur les expériences et les initiatives positives menées dans les différents départements
  • Établir une projection précise de l’identité et des caractéristiques des communes susceptibles de ne pas remplir leurs objectifs en 2025
  • Intégrer dans l’enquête annuelle de suivi de la mise en œuvre de l’article 55 de la loi SRU des indicateurs permettant de mieux apprécier l’évolution de la mixité sociale dans les communes concernées
  • Prévoir pour certaines communes une application différenciée du calendrier d’atteinte du taux de logements sociaux, dans un cadre intercommunal équilibré et en s’appuyant sur la signature d’un contrat de mixité sociale précis quant à ses objectifs et ses engagements et mobilisant l’ensemble des instruments dont disposent les signataires

 

L’article 55 de la loi SRU avait par ailleurs fait l’objet d’une journée organisée par le comité interministériel d’histoire, dont vous trouverez la restitution ici [1].

Sur les évolutions de la mixité sociale en France, une webconférence à ce propos a été organisée par France Stratégie : Mixité sociale et ségrégations urbaine, comment la France évolue-telle ? Consultez notre article [2] sur les principales conclusions de l'évènement.

Pour aller plus loin

Rapport de la Cour des Comptes : l'application de l'article 55 de la loi SRU

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Mardi 30 mars 2021 - 15:45
Publié le 30 mars 2021