Sous la direction scientifique de Thomas Kirszbaum, chercheur associé à l’Institut des Science sociales et du Politique, cette journée est revenue sur les fondements et les objectifs initiaux de la loi, dans une mise en perspective de ses effets sur le long terme .
Retrouver le programme de la journée d'étude ici :
Cette journée a donné lieu à de nombreuses interventions, Louis Besson, ancien ministre du logement ainsi que deux anciens directeurs de cabinet étaient présents en tant qu'initiateurs et porteurs de la loi SRU en 2000.
Les regards croisés de chercheurs ont permis d’évoquer sa genèse, son histoire et les conditions d’application de l’article 55, 20 ans plus tard.
Rappel
La loi Besson du 31 mai 1990 est la première à introduire la diversité sociale au niveau du quartier, de la commune et du département comme objectif prioritaire au travers des protocoles d’occupation du patrimoine social (POPS). En juillet 1991, la loi Besson est complétée par la loi d’orientation de la ville (LOV) qui rend obligatoire la réalisation de logements sociaux dans les communes situées dans des agglomérations de plus de 200 000 habitants dont le parc de logements en comporte moins de 20 %.
En décembre 2001, la loi solidarité et renouvellement urbain renforce l’aspect coercitif de la LOV et élargit son champ d’action à de nouvelles communes.
L’article 55 de la loi SRU dispose que toutes les communes de plus de 3 500 habitants (1 500 en Île-de-France), situées dans une agglomération d’au moins 50 000 habitants, doivent disposer d’ici 2020 d’au moins 20 % de logements sociaux dans leur parc de résidences principales. Afin de soutenir le dispositif, les communes contrevenantes sont soumises à un prélèvement fiscal de 152,45 euros par logement manquant.
L’horizon fixé par l’article 55 devra être repoussé. Plusieurs centaines de communes n’auront en effet pas atteint, en 2025, leur objectif de 20 ou 25 % de logements sociaux.
Constat
- En 2019, cela concernait 1 100 communes. Selon le bilan triennal 2017-2019 de l'application de l'article 55, seulement 47% des communes ont rempli leurs objectifs qualitatifs (répartition équilibrée de la production, notamment en termes de logement très sociaux) et quantitatifs (nombre de logements produits). Parmi les 53% de communes (soit 550) qui n'ont pas rempli les objectifs, 240 n'ont rempli ni leurs objectifs qualitatifs, ni quantitatifs.
- En cas de non-respect des objectifs assignés, les préfets sont tenus d'appliquer des sanctions à l'égard des communes réfractaires.
- Si ce chiffre augmente sur la dernière période triennale 2017-2019, seules 280 communes ont fait l'objet d'un arrêté de carence (procédure appliquée en cas de non-respect des quotas et qui entraîne des sanctions financières) par les préfets.
Eléments de bilan
Ses effets incontestables sur la construction de logements sociaux ont été largement démontrés. Les communes déficitaires ont réussi à atteindre les objectifs assignés par l’Etat. Toutefois, de nombreux manquements ont été soulignés, ainsi qu'un certain nombre d'effets pervers. En effet, les stratégies d’évitement des populations les plus pauvres s’observent par les types de logements sociaux construits et contrastent sévèrement avec les objectifs de mixité sociale.
A cela s’ajoute les mécanismes d’exemption et de « préférence communale » qui contribuent selon Eric Charmes à l’auto-ségrégation des plus riches et à la mise à distance des ménages les plus populaires.
Le bilan quantitatif et qualitatif semble nous renvoyer aux enjeux liés à la maîtrise du peuplement, à l’affirmation d’une plus grande fermeté quant au respect des objectifs assignés ainsi qu’à des enjeux de transparences quant aux types de logements produits.
Vers plus de transparence et de fermeté ?
La ministre du Logement, Emmanuelle Wargon est également intervenue en fin de matinée pour préciser les grandes orientations en termes de logement social dans la continuité de l'article 55 de la loi SRU.
Parmi les objectifs annoncés, il s'agit de :
- produire plus de logement social et partout;
- de définir un rythme de rattrapage pour les communes qui n'auront pas atteint les objectifs fixés pour 2025;
- de mettre en place une politique d'attribution qui mène véritablement à de la mixité sociale.
La mise en oeuvre operationnelle de ces grandes orientations est donc à suivre.
Les enregistrements et les actes de la journée d’étude seront disponibles prochainement.
Pour aller plus loin
- Desage, Fabien. « "Un peuplement de qualité". Mise en œuvre de la loi SRU dans le périurbain résidentiel aisé et discrimination discrète », Gouvernement et action publique, vol. vol. 5, no. 3, 2016, pp. 83-112,
- Desage, Fabien. « 20 % de logements sociaux minimum, mais pour qui ? La loi SRU à l'épreuve de la "préférence communale" », Savoir/Agir, vol. 24, no. 2, 2013, pp. 35-40,
- Thomas Kirszbaum. « Mixité sociale dans l’habitat. Revue de la littérature dans une perspective comparative », La Documentation française, 2008, Etudes & recherches de la Halde,
- Grégoire Fauconnier, Loi SRU et mixité sociale, Le vivre ensemble en échec, 2020.
- Anne-Laure Jourdheuil, « Le logement social produit par les promoteurs immobiliers privés. L’émergence d’une coopération déséquilibrée entre bailleurs sociaux et promoteurs ». Métropoles, ENTPE, 2017, Promoteurs immobiliers, bailleurs sociaux, collectivités locales. Des acteurs aux frontières des marchés du logement.,
- « Bilan SRU 2017-2019 : moins d'une commune sur deux a rempli ses objectifs triennaux », Jean Noël Escudié, La Banque des territoires, 22 janvier 2021
- Etude "Logement social et ségrégation en France", Kevin Beaubrun-Diant, Tristan-Pierre Maury :
20 ANS APRÈS, LA LOI SRU A PRODUIT UNE « MIXITÉ DE FAÇADE(S) »