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Quartiers populaires et épidémie de COVID-19 : les résultats de l'enquête nationale

L'IRDSU a publié la synthèse de son enquête menée auprès de professionnel.le.s intervenant dans le cadre de la Politique de la ville. Ces résultats permettent de mieux comprendre les difficultés qu'entraîne l'épidémie de COVID-19 pour les habitants des quartiers et d'identifier des pistes d'actions pour y pallier.

Du 26 mars au 3 avril 2020, 88 personnes ont répondu à l'enquête de l'Inter Réseaux des professionnels du Développement Social Urbain (IRDSU). Parmi ces répondants, 81 % étaient en télétravail. Les professionnels présents à leur poste de travail sont majoritairement ceux en lien avec le domaine de l’éducation (coordonnateur PRE, DRE, responsable secteur enfance...) et ceux dont les missions couvrent une direction de CCAS ou CIAS. Quelle que soit leur situation d’emploi, 96 % des professionnels restent en contact avec le territoire sur lequel ils sont en poste.

Cette enquête permet de faire le point sur les mesures qui ont été mises en place pendant le période de confinement pour soutenir les habitants des PQV et soulève des pistes d'actions pour des enjeux de plus long terme.

Les enjeux que l'enquête met en exergue :

  • L’enjeu majeur du respect du confinement

Si un léger décalage dans le respect du confinement est apparu dans les QPV, il a rapidement atténué grâce aux diverses initiatives des collectivités et des bailleurs en termes de médiation et de diffusion des messages clairs et compréhensibles pour tous. En effet, deux principaux facteurs expliquent le décalage mesuré : le temps de diffusion des messages de confinement sous des formes appropriables par les habitants ainsi que le classique surinvestissement d’un espace public «compensatoire» d’un espace privé proposant de plus souvent de médiocres aménités et largement inadapté à la structure familiale. La persistance dans certains cas de regroupements de jeunes hommes a été par ailleurs constatée. Selon les éducateurs spécialisés et les médiateurs sociaux, cette persistance peut s'expliquer par différents facteurs comme la fermeture des établissements scolaires, assimilée initialement à une période de congés libératoire ; le sentiment d’immunité de l’adolescence largement conforté par les informations initiales sur le COVID-19 ; la persistance du réflexe fédérateur des jeunes adultes de défier l’autorité qu’elle soit identifiée à la police, l’institution ou plus largement les adultes ; ou encore l’angoisse de rester en famille, enfermé, sans ses pairs ; angoisse qui se superpose à l’existence de difficultés intrafamiliales générationnelles ;

  • L’impérative réponse à l’urgence sociale et alimentaire

Les constats

La réelle baisse des revenus des ménages des QPV, liée notamment à l’arrêt des missions des intérimaires et à l’effondrement de l’économie informelle, se double en effet d’une problématique forte d’accès à l’argent liquide, accentuée par la fermeture des bureaux de poste de proximité qui a privé de nombreux foyers de leur seul mode de retrait. Ces tensions importantes sur les budgets des ménages sont accentuées par la fermeture des cantines qui a généré une augmentation du nombre de repas à supporter par le budget des familles. Dans le même temps, le panier moyen des familles a augmenté, en lien avec la fermeture des marchés et un recours quasi obligatoire aux commerces de proximité. Cette hausse a pour conséquences :
- Une multiplication des situations de précarité alimentaire notamment pour les enfants et les personnes âgées
- Un abandon constaté de certains achats aux premiers rangs desquels : les goûters pour les
enfants, les protections périodiques et les produits spécifiques bébé.

Les réponses

Très rapidement les acteurs de l’action sociale et de la solidarité ont accentué les actions et les dispositifs partenariaux déjà existants sur les territoires, avec les CCAS et CIAS en première ligne qui se sont attelés à un repérage des personnes isolées, vulnérables et de leurs besoins, effectué à partir des listing du plan canicule et complèter par des initiatives locales d’habitants, de conseillers citoyens et d’associations très locales. Ont également été mis en place par les municipalités et intercommunalités des outils permettant de maintenir du lien avec ces personnes. Si le téléphone reste le mode de communication privilégié, des guides de contacts utiles aux plus fragiles ont également été réalisés ainsi que des sites internets et des plateformes numériques d'information et d'entraide.

Concernant l'aide alimentaire, les réseaux associatifs caritatifs ont fortement appuyé les collectivités avec notamment le maintien de l’ouverture des épiceries sociales, la distribution de bons d’aide alimentaire, la mise en place de points de distribution de l’aide alimentaire en cœur de quartier, des services de livraisons de paniers ou encore de portage de repas, courses et/ou médicaments. A noter que ces aides d'urgence ont été effectives grâce à l'engagement volontaire et parfois bénévole des agents municipaux, des services civiques, de bénévoles associatifs et d’habitants.

Une continuité pédagogique plus complexe à mettre en œuvre

La réponse à la fermeture des établissements scolaires depuis le 16 mars est une continuité pédagogique assurée principalement via les ENT et/ou les sites des établissements scolaires. Or, si les enseignants sont très mobilisés pour assurer ce lien avec les élèves en lien avec les parents, cette mission s’avère plus difficile à assurer dans les quartiers populaires que sur le reste du territoire d’une part car la distance école/familles y est déjà plus importante que sur d’autres territoires et d’autre part parce que la fracture numérique s’y révèle particulièrement forte.

Les constats

  • Pour les cycles élémentaires les professeurs se heurtent à une difficulté à entrer en relation avec les familles pour lesquelles l’école ne dispose pas de contacts téléphonique / mail, une difficulté de communication orale comme écrite avec des parents ne parlant pas français et non lecteurs.
  • Pour les collèges et lycée la question de la capacité des foyers à disposer de plusieurs ordinateurs ou tablettes pour permettre à chaque enfant d’accéder aux consignes de travail, aux cours et aux devoirs est cruciale tout comme celle de l’accès à une connexion internet.

Les réponses

  • Une chaîne de solidarité éducative s'est constituée grâce à l'action des établissements scolaires et des enseignants avec la mise à disposition dans les boîtes à lettres des familles et/ou dans les les établissements par les enseignants de versions papiers des cours et devoirs et ainsi que des consignes pour les familles n’ayant pas accès internet ni d’imprimante.
  • Les opérateurs du Contrat local d'accompagnement scolaire (CLAS) ainsi que d’autres acteurs associatifs se sont fortement mobilisés pour maintenir leur accompagnement via des téléphones et des outils numériques.
  • Les équipes des PRE se sont mobilisés pour maintenir un lien avec les familles et les jeunes et assurer un accompagnement à distance.
  • Quelques initiatives de recensement des besoins en matériel et informatique et en connexion internet ont été mises en place.
  • L'organisation de prêts et/ou de fournitures gratuite ou à prix modique de matériel informatique a été également mise en place.
  • Pour des élèves n’ayant pas accès aux outils numériques, des travailleurs sociaux tentent d’aller au contact des élèves pour maintenir un lien avec l’institution.
  • Une veille sur les fragilités identifiées

Les professionnels répondant font état d’un risque accru de violences intrafamiliales. Même si ce risque n’est pas spécifique aux QPV, le confinement par la promiscuité qu’il génère, accentue les tensions intrafamiliales et «facilite» le passage à l’acte, des tensions exacerbées notamment entre adolescents et parents. Plusieurs collectivités via leur CISPD ont mis en place une coordination et diffusent les numéros d’informations.

En terme de gestion urbaine de proximité, les collectivités et les bailleurs semblent avoir maintenu un service de ramassage des déchets ménagers et régulent les encombrants. L’entretien régulier comme la réponse aux incidents techniques dans les immeubles HLM sont assurés par les bailleurs sociaux qui ont mis en place une gamme de réponse adaptée: permanences téléphoniques, équipes d’intervention entretien et urgences.

Publié le 11 mai 2020