Vous êtes ici

Précédent
  • Accueil
  • Actualités
  • Uberisation des quartiers : Quelle place pour la lutte contre les discriminations ?
Favoris

Uberisation des quartiers : Quelle place pour la lutte contre les discriminations ?

Plusieurs études tendent à alerter sur "l'ubérisation" des quartiers prioritaires; conditions de travail, précarité, discriminations selon l'origine L'iREV vous propose un retour sur ce phénoméne qui tend à accroître les inégalités ainsi qu'un accès aux derniers documents, actualités publiés sur ce sujet.

L'ubérisation des quartiers populaires

Au 1er janvier 2022, plus de 230 000 personnes qui travaillent dans les plateformes numériques sont en grand nombre des livreurs résidant dans les quartiers prioritaires de la ville selon une étude de Compas Zoom pour AGIR  avec une part des livreurs résidant  dans un quartier prioritaire 5 fois plus élevée que celle  de l'ensemble des travailleurs.

Entre 2019 et 2022, ce nombre s'est multiplié par 7 pour les livreurs résidant en quartier prioritaire. Dans ces quartiers avec un fort taux d'immigrés, il y a 4 fois plus de livreurs parmi les travailleurs que dans les autres quartiers.

Cette ''ubérisation'' inquiétante des demandeurs d'emploi en quartiers populaires appelle les acteurs de la politique de la ville à s'interroger sur l'accompagnement des publics en QPV et plus largement sur la coordination des politiques publiques notamment s'agissant de l'emploi et de la lutte contre les discriminations.  

Le rapport de recherche " Malaise dans l'accompagnement des jeunes: l'essor du travail ubérisé dans les QPV" publié récemment par le Défenseur des droits, abonde également sur la situation des travailleurs ubérisés. Cette recherche expose les répercussions du travail ubérisé dans les quartiers populaires et analyse l'accompagnement vers l'entrepreneuriat et à l'insertion professionnelle des jeunes.

Des mesures novatrices sont proposées pour renforcer l'employabilité des jeunes au sein des plateformes numériques en envisageant des angles de qualifications. Un travail d'accompagnement pour une remise à niveau des jeunes travailleurs ubérisés est également nécessaire pour les aider à valoriser les compétences acquises par le biais de la formation. 

Pour concrétiser ces propositions, la mobilisation nationale et européenne est nécessaire pour arriver à une transformation des conditions du travail ubérisé et changer la trajectoire de ces jeunes au statut précaire. 

Discriminations selon l'origine, des mesures émergent :  

Le recrutement d'un bon nombre de jeunes en QPV au sein de ces plateformes numériques de livraison pourrait envoyer un signal positif aux institutions sur l'employabilité des jeunes issus des QPV et leur parcours d'insertion socio-professionnel en prenant en compte notamment les jeunes sortis du système scolaire précocement.

Cependant, il semble plus qu'urgent de se s'interroger sur la surreprésentation des jeunes issus des QPV au sein de ces plateformes et sur la précarité de leur condition de travail. Les faits de discriminations et notamment en raison de l'origine réelle ou supposée sont denoncés et ont fait l'objet d'avancées et de mesures significatives. 

En effet, les plateformes numériques et livreurs se sont accordés à travers l'association des plateformes d'indépendants et les organisations représentatives des travailleurs indépendants pour mieux protéger les professionnels et renforcer la lutte contre les discriminations auprès des employeurs. 

Plusieurs actions et mesures sont visées. Au travers de cet accord, un observatoire des discriminations et un système d'alerte via une application pour prévenir d'éventuelles situations discriminantes liées à l'origine à l'encontre des livreurs vont être mis en place. Les plateformes prévoient également l'élaboration d'un guide et une assistance téléphonique aux livreurs pour leur apporter des conseils et appuis juridiques. Un droit de dédommagement est aussi prévu en cas de suspension de compte d'un livreur pour tout cas de signalement réciproque entre livreur et client.

...Sous les directives du Conseil de l'UE 

Cette directive s'inscrit dans le cadre d'un accord adopté le 11 mars par le Conseil de l'UE et les Etats membres. Plusieurs mesures sont attendues visant à renforcer les droits de 28 millions de travailleurs des plateformes numériques.

Elle prévoit entre autres la mise en place d'une présomption salariale et laisse chaque Etat membre en définir le principe. L'accord instaure un climat pour permettre aux travailleurs de pouvoir contester leur statut salarié sans toutefois faire basculer les travailleurs dans le statut salarial.

Cette mesure constitue un tremplin pour accéder facilement aux droits dont ils peuvent bénéficier sur la base du droit de l'UE du statut salarié. Cela permettrait aux travailleurs notamment de saisir le conseil de Prud'hommes. 

D'autres mesures sont en cours autour des algorithmes mobilisés par les plateformes mais également sur l'utilisation de systèmes de surveillance, de prise de décision concernant les recrutements, les conditions de travail et  les rémunérations. 

Le Conseil de l'Europe entame ainsi une mobilisation pour renforcer la protection de ces professionnels fortement fragilisés. La mobilisation du Défenseur des Droits et les dernières études publiées s'agissant de "l'Ubérisation" des quartiers prioritaires en France tendent à alerter l'opinion publique mais également les acteurs concernés à se saisir des enjeux pour les quartiers prioritaires et co-construire des politiques publiques qui limitent les inégalités sociales et territoiales. La lutte contre les discriminations apparait essentielle dans cette perspective et la mobilisation des politiques sectorielles sur ce sujet encore plus déterminante. 

Revue de presse

Publié le 22 mai 2024