Vous êtes ici

Précédent
Favoris

Publication du 16e baromètre sur les discriminations dans l'emploi

Ce jeudi 8 décembre, le Défenseur des droits et l’Organisation Internationale du Travail publient le 16e baromètre sur la perception des discriminations dans l’emploi. Cette enquête, qui dresse un panorama des discriminations dans l’emploi, privé et public, interroge un échantillon représentatif de la population active. L’édition 2023 est consacrée aux discriminations envers les personnes atteintes de maladie chronique.

Ce baromètre permet de dresser un panorama pour rendre compte des discriminations telles qu’elles sont perçues et vécues par les personnes atteintes de maladie chronique dans l’emploi et mieux appréhender les enjeux qui y sont associés.

Maladies chroniques : de quoi parle-t-on ?

La maladie chronique peut être définie, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), comme une affection de longue durée, souvent associée à une invalidité ou à la menace de complications graves, qui évolue lentement et nécessite une prise en charge pendant plusieurs années4 . Elle se distingue de la maladie aigüe par l’alternance de périodes critiques et de périodes de stabilité et par l’imprévisibilité de son évolution. Elle regroupe ainsi à la fois des maladies non transmissibles (diabète, cancer , asthme), des maladies transmissibles persistantes (VIHSida, hépatites), des maladies mentales ou psychiques (psychoses, dépression, anxiété chronique), des atteintes anatomiques ou fonctionnelles (maladies cardio-vasculaires, sclérose en plaques, cécité, polyarthrites rhumatoïdes) et des maladies rares (mucoviscidose, myopathies…). 

Prevenir les discriminations : Un défi majeur de santé au travail au regard de l'augmentation constante

Les pouvoirs publics et l’ensemble des organisations, publiques ou privées, sont confrontés aujourd’hui à un défi majeur de santé au travail : la prise en considération des maladies chroniques, en forte augmentation, et la prévention des discriminations liées à l’état de santé ou au handicap qui peuvent y être associées. 

En effet, l’enquête montre qu’environ une personne sur six atteintes de maladie chronique (13 %) a été confrontée dans le cadre de l’emploi à une discrimination ou un harcèlement discriminatoire en raison de son état de santé ou de son handicap, contre 3 % pour le reste de la population active. Les personnes ayant une maladie visible ont trois fois plus de risques d’avoir été confrontées à une discrimination ou un harcèlement discriminatoire. De plus, 55 % des personnes malades déclarent avoir vécu une situation de harcèlement moral dans l’emploi.

Au regard de ces atteintes, les conséquences sont nombreuses. Selon le rapport, lors d’une candidature pour un poste, plus de la moitié des malades ne parlent jamais de leur problème de santé et un tiers d’entre eux se taisent par peur d’un refus d’embauche. 

Entre peur et deni collectif : 

Alors qu’elles touchent une part croissante de la population active, les maladies chroniques au travail restent pourtant une question encore largement inexplorée. Les représentations sociales négatives liées à la maladie (souvent perçue comme incompatible avec le travail), l’invisibilité des symptômes et la peur d’être exposé aux discriminations alimentent un déni collectif sur un sujet pourtant majeur de santé au travail.
 

Une situation qui augmente les risques professionnels et les situations de dévalorisation : 

Les discriminations dans l’emploi arrivent rarement seules et s’inscrivent le plus souvent dans un continuum de risques professionnels et de situations de dévalorisation, susceptibles d’être constitutifs en droit de harcèlement discriminatoire : remarques ou « blagues » déplacées, propos ou comportements stigmatisants ou humiliants, surcharge de travail ou sous-occupation, attribution de travail inutile ou sans lien avec les compétences de la personne, dévalorisation injuste du travail, remise en cause de la maladie ou du handicap, refus ou retard dans la mise en œuvre de l’aménagement du poste de travail, etc. Trois quarts des personnes enquêtées ayant déclaré une discrimination en raison de l’état de santé ou du handicap rapportent ainsi avoir vécu également du harcèlement moral au travail. 

Quelles obligations légales ?

En matière de travail et d’emploi, par transposition de la directive européenne 2000/78 du 27 novembre 200025, tous les employeurs, privés comme publics, sont tenus, quel que soit leur effectif, à une obligation « d’aménagement raisonnable » à l’égard des travailleurs en situation de handicap. Cela signifie que tout employeur est légalement tenu de prendre, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs handicapés d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer ou d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée.

Par ailleurs, l’employeur est responsable de la santé et de la sécurité de ses salariés. Il est également garant de la démarche de prévention et de santé au travail et de sa mise en œuvre. Il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. 

 Pour mener à bien sa démarche de prévention, l’employeur s’appuie sur un ensemble d’acteurs (ressources humaines, encadrement, représentants du personnel, services de prévention et de santé au travail) parmi lesquels la médecine du travail, qui se trouve au centre du dialogue entre l’organisation et le salarié malade et joue un rôle clé. 

Cependant, si le Code du travail impose à l’employeur d’organiser ou d’adhérer à un service de prévention et de santé au travail (SPST), il est reconnu que la pénurie de personnel médical, le manque de moyens et la dévaluation de la médecine du travail ne permettent pas à ses agents de mener à bien leurs missions et d’assurer le suivi renforcé de la santé des salariés. 

Les recommandations : 

  • La Défenseure des droits souhaite réaffirmer le principe de non-discrimination dans l’accès à l’emploi des personnes atteintes de pathologies chroniques.
  • Afin de favoriser le maintien dans l’emploi des personnes atteintes de maladie chronique, la Défenseure recommande de renforcer les dispositions légales en matière de lutte contre les discriminations fondées sur l’état de santé ou le handicap. Elle invite notamment à modifier la définition de la discrimination fondée sur le handicap, prévue par la loi du 27 mai 2008, afin d’y inscrire l’obligation d’aménagement raisonnable dans tous les domaines et secteurs concernés, conformément aux recommandations du Comité des droits des personnes handicapées des Nations unies. 
  • Elle recommande aux pouvoirs publics de mettre en œuvre une politique volontariste de prévention renforcée des emplois les plus à risque, notamment dans les secteurs employant une part importante de salariés non qualifiés
  • Au-delà du respect des obligations légales déjà existantes, la Défenseure des droits recommande aux organisations de promouvoir une approche globale et collective de la prévention de la santé au travail et de la lutte contre les discriminations liées à l’état de santé ou au handicap. À cette fin, la Défenseure des droits souligne tout d’abord l’importance pour chaque employeur de rendre l’obligation de formation des recruteurs instituée par la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté pleinement effective et d’y intégrer les enjeux liés aux maladies chroniques et aux discriminations fondées sur l’état de santé et le handicap.
  • Au-delà, la Défenseure des droits recommande aux pouvoirs publics d’encourager les employeurs, privés comme publics, à mener régulièrement des campagnes internes de sensibilisation et de formation pour améliorer l’information sur les enjeux de santé et les aménagements au sein des organisations. 
  • La Défenseure des droits alerte également sur la nécessité de renforcer les moyens dédiés aux acteurs clés de la prévention de la santé au travail et de la lutte contre les discriminations, afin notamment de consolider le droit au recours des salariés.

Consultez le rapport dans son intégralité 

Publié le 21 décembre 2023