Créé en avril 2022, le Comité d'Histoire de la politique de la ville a pour objectif d'encourager l'étude et la recherche sur l'histoire de la politique de la ville et du développement social urbain. A travers son séminaire 2023/2024 portant sur les jeunes dans la politique de la ville, l'objectif était de permettre la diffusion de connaissances, le partage d'expériences et de témoignages et le débat sur cette thématique. La séance conclusive du 16 septembre dernier à laquelle l'IREV a assisté permettait de faire la synthèse des travaux de ce séminaire. Etaient présents des chercheurs, des travailleurs sociaux de la politique de la ville, des représentants de l'ANCT, de l'ANRU, du CNV ou encore de Centres de ressources politique de la ville.
Une année de séminaire
Ce séminaire 2023/2024 a été rythmé par 5 séances. Marie-Christine Jaillet, Présidente du Conseil scientifique du Comité d'histoire en a proposé une synthèse au cours de cette séance conclusive. Antoine Loubière, Vice-président de l'association pour l'étude de l'histoire de la politique de la ville et Philippe Estèbe, politiste et géographe ont quant à eux proposé un rapport d'étonnement et un regard critique permettant de souligner les objectifs auxquels ce séminaire a réussi, ou non, à répondre. Les échanges avec la salle ont également permis de se questionner sur les réussites ou les manquements de ce séminaire, dans la perspective de celui qui sera organisé l'année prochaine. En synthèse, le séminaire 2023/2024 a permis d'examiner les questions suivantes :
- Comment les politiques publiques ont-elles catégorisé les jeunesses des quartiers populaires ?
- Comment les politiques jeunesses ont été rencontré l’action publique locale en quartier politique de la ville ?
- Quels liens historiques entre politiques de la ville et politiques éducatives locales ?
- Quelles ont été les politiques publiques de prévention de la délinquance et quelles ont été leurs interactions avec les politiques de jeunesse ?
- La politique de la ville a-t-elle été un outil d’émancipation et de mobilisation politique pour les « jeunes des quartiers » ?
Le "jeune de cité", une fiugure en mouvement de 1970 à nos jours
La séance conclusive voulait également apporter une dernière expertise. Thomas Kirszbaum, enseignant-chercheur en sociologie est venu faire part de ses travaux sur l'évolution de la figure du "jeune de cité" dans les sciences sociales entre les années 1970 et aujourd'hui. L'idée était de montrer les permanences et les ruptures de 50 ans d'histoire de la politique de la ville quant à la manière dont la figure du jeune de quartiers apparaît dans les sciences sociales et dans le débat public. Le chercheur a montré que la dénomination du "jeune de cité" renvoie globalement à 3 figures qui se chevauchent depuis les années -70. Il ajoute que cette dénomination est surtout l'objet d'une permanence, les visions et les thématiques restant globalement stables depuis cette époque.
- Le "jeune exclu", renvoyant à la condition des jeunes des quatiers subissant des processus de mise à l'écart dus à des transformations structurelles : processus de discrimination et de ségragation, notamment dans le monde de l'école et face à l'emploi ;
- Le "jeune ghettoisé", renvoyant aux oppositions depuis les années -80 entre les populations immigrées et les autres habitants dans les cités. Cette dénomination renvoie à des comportements perçus comme violents avec des logiques de bandes, des comportements virilistes et dominateurs et un attachement supposé au quartier.
- Le "jeune émancipé", renvoyant à l'affirmation individuelle des jeunes. Celle-ci peut passer par le militantisme, l'empowerment ou encore par "l'économie de la débrouille" qui peut être perçue comme une forme d'émancipation.
Comment aller plus loin ?
Enfin, des réflexions ont été posées sur ce qui peut être imaginé, à la fois dans l'organisation du séminaire mais aussi dans les sujets qui doivent être traités par la politique de la ville. Lydia Echeverria, doctorante en histoire de la photographie, a par exemple mis en exergue le besoin de plus impliquer les habitants des QPV sur ce type de séminaire. Il y a également un besoin d'impliquer les jeunes eux-mêmes à travers des associations et des initiatives permettant aux jeunes de montrer leur place. Saadia Bouy Saali, Déléguée à la jeunesse au Conseil départemental de Seine Saint-Denis, militante et sociologue dans l'Institut Banlieuscopie ; a quant à elle souligné les thématiques que la politique de la ville ne doit pas oublier : elle a par exemple évoqué la participation politique des jeunes rappelant les émeutes de 2023 et insistant sur le fait que la violence est éminemment politique dans les quartiers. Elle a aussi évoqué la question des pratiques religieuses qui a été oubliée par la politique de la ville, ce qui a laissé le champ libre à un traitement chaotique de cette question (par certains lieux de culte ou sur les réseaux sociaux).
La séance conclusive du 16 septembre 2024 a posé les bases d'une réflexion pour le prochain séminaire. Michel Didier, Président du Comité d'histoire de la politique de la ville a d'ailleurs annoncé que le séminaire 2024-2025 porterait sur la décentralisation et les contextes territoriaux dans l'application de la politique de la ville. Ce séminaire se voudra justement décentralisé et sera organisé dans différents territoires partenaires partout en France.