Un portage politique en trompe l'oeil et une interministérialité défaillante
La massification de l’enseignement a amené de plus en plus de femmes à poursuivre des études supérieures, ce qui s’est traduit par une élévation du niveau de diplôme particulièrement sensible dans la population féminine et par une féminisation croissante du marché du travail. Entre 1982 et 2022, la progression du taux d’emploi féminin s’est accompagnée d’un changement net dans la répartition des femmes par catégories socioprofessionnelles : elles sont désormais majoritaires au sein des professions intermédiaires et elles ont davantage qu’avant accès à des métiers de cadre.
Si les crédits du programme 137 (égalité entre les femmes et les hommes) ont presque triplé depuis 2017 et les crédits recensés dans le document de politique transversale (DPT) Politique de l’égalité entre les femmes et les hommes sont passés de 128 M€ en 2017 à 3,3 Md€ en 2024, cette augmentation apparaît comme un affichage sans effets mesurés.
Les outils servant à mesurer les inégalités progressent, mais ils restent insuffisants . L’accès à des statistiques genrées doit être amélioré.
En matière d’égalité professionnelle, les politiques en faveur de la mixité peinent à porter leurs fruits . L’articulation entre la stratégie interministérielle et les plans d’actions ministériels est insuffisante.
Une reproduction des stéréotypes de genre dans l'orientation scolaire et professionnelle
Un certain nombre de stéréotypes pèsent encore sur la manière dont les filles abordent leur scolarité. L’orientation constitue un moment clé, cristallisant le « passé » scolaire des garçons et des filles et leurs aspirations, conscientes ou résultant de l’intériorisation de stéréotypes de genre, ainsi que les projections de leur entourage, scolaire et familial. Le bilan des inégalités à l’entrée dans le monde professionnel est décourageant : à niveau et spécialité de formation identiques, les femmes ont moins de chances que les hommes d’être en emploi trois ans après leur sortie de formation initiale.
L’enjeu de la mixité est l’égalité salariale : à niveau de qualification équivalent, la concentration des emplois féminins dans certains secteurs s’accompagne d’une moindre reconnaissance salariale
Toutefois, plus d’un tiers des écarts de salaire s’expliquent par les inégalités de volume de travail, ce qui renvoie à la question de la conciliation des vies professionnelle et personnelle, et plus spécifiquement à la parentalité, dont la charge continue de reposer davantage sur les femmes.
Des mobilisations foisonnantes qui démontrent peu d'effets
La logique de résultat affichée lors de l’instauration en 2018 de l’index « égalité professionnelle » n’est pas probante et ne s’accompagne pas toujours de pratiques plus vertueuses en matière d’égalité professionnelle. L’action publique en matière d’égalité entre les hommes et les femmes oscille entre des incitations parfois incantatoires et des obligations difficiles à faire respecter.
Les actions de sensibilisation doivent toucher l’ensemble des acteurs qui participent à l’accompagnement des élèves dans la construction de leurs choix de formation et de métier . Si de nombreuses actions sont conduites dans les établissements, la famille reste le premier vecteur de diffusion des stéréotypes de genre . Il convient donc de l’associer aux démarches, par exemple au travers des associations de parents d’élèves. La formation initiale et continue constituent des leviers indispensables qu'il faut repenser pour construire une culture de l'égalité.
Principales recommandations :
- Renforcer le rôle du ministère chargé du travail dans la négociation autour des classifications pour revaloriser les métiers majoritairement exercés par des femmes
- Réaffirmer la responsabilité de l’Insee comme coordinateur des statistiques genrées et inscrire la question de l’égalité entre les femmes et les hommes au rang de priorité du comité national de l’information statistique (Institut national de la statistique et des études économiques - Insee)
- Respecter les obligations de saisine préalable du Haut conseil à l’égalité et l’impliquer dans la rédaction des parties consacrées à l’égalité femmes/hommes dans les études d’impact (services du Premier ministre)
- Expliciter systématiquement les enjeux de mixité dans les engagements de développement de l’emploi et des compétences (ministère du travail et de l’emploi)
- S’assurer que, sous cinq ans, les enseignants, personnels d’éducation et psychologues de l’éducation nationale auront suivi un module de formation continue, afin de les sensibiliser et les former à la pédagogie égalitaire, y compris dans les formations relatives aux fondamentaux, et au poids des stéréotypes de genre dans l’orientation des élèves (ministère de l’éducation nationale)
- Mettre en œuvre un plan de formation obligatoire à la question de l’égalité entre les femmes et les hommes pour les enseignants et autres personnels de l’enseignement supérieur, notamment habilités à diriger des recherches ou membres de jurys de recrutement (ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche)
- Développer les actions visant à présenter des modèles féminins exerçant des métiers scientifiques et renforcer les programmes d’accompagnement par le mentorat et le tutorat (ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche)
- Renouveler la convention interministérielle pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif 2019-2024 et en réunir le comité de pilotage, en cohérence avec le plan interministériel « Toutes et tous égaux » (ministère de l’éducation nationale, ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche)
- Mettre en œuvre le régime des sanctions en cas de non-respect des obligations en matière d’égalité professionnelle (ministère du travail et de l’emploi)
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Plus diplômées que les hommes, les femmes n’accèdent pourtant pas aux postes et aux métiers les mieux considérés et les plus rémunérateurs