Le Défenseur des droits [1] est une autorité administrative indépendante dont l'existence est inscrite dans la Constitution. Elle est représentée par Jacques Toubon, nommé par le Président de la République en 2014, pour un mandat de 6 ans.

Le Défenseur des droits a pour double mission de défendre les personnes dont les droits ne sont pas respectés et de permettre l'égalité de tous et toutes dans l'accès aux droits. Toute personne physique ou morale peut le saisir gratuitement et directement.

Ces cinq domaines de compétences : 
 

  • la défense des droits des usagers et des services publics
  • la défense et la promotion de l'intérêt supérieur et des droits de l'enfant
  • le respect de la déontologie des personnes exerçant des activités de sécurité
  • l'orientation et la protection des lanceurs d'alerte
  • la lutte contre les discriminations et la promotion de l'égalité

En 2018, 140 000 demandes d’intervention ou de conseil ont été adressées au Défenseur des droits. Des saisines qui contribuent à faire de cette institution indépendante un observatoire des difficultés rencontrées par les personnes dans l’accès à leurs droits, des atteintes portées aux droits fondamentaux et des inégalités persistantes dans la société.

Le Rapport d'activité annuel a été dévoilé le 12 mars dernier, en voici une synthèse.

Services publics : le Défenseur des droits alerte sur une situation portant "atteinte à la cohésion sociale"

Le rapport présenté par Jacques Toubon montre que pas moins de 93% des réclamations traitées par le Défenseur des droits sont liées aux services publics : retards dans le versement de certaines retraites, suppression du guichet dans les préfectures pour délivrer le permis de conduire, "déserts médicaux"...  "Cette demande traduit le recul des services publics, source de défiance, d’inégalités et de mise en cause des droits", résume le Défenseur.

Le Défenseur des droits explique que "la réduction du périmètre des services publics, leur privatisation progressive, leur dématérialisation, la complexité des dispositifs, l’éloignement du contact humain ainsi que la restriction des moyens budgétaires qui leur sont alloués contribuent à créer un sentiment diffus et dangereux de rupture entre les usagers, notamment précaires, et les services publics. Le recul des services publics peut accroître les inégalités auxquelles font face certains publics et aggraver le sentiment de relégation de nombreuses personnes, portant dangereusement atteinte à la cohésion sociale."

Il note  "les effets néfastes de l’évanescence croissante des services publics sur les personnes pour lesquelles ils constituent souvent le principal recours". Pour le Défenseur des droits, cette réduction progressive des services publics créé "une source profonde d'inégalités, de ségrégation et de relégation et présage d’une régression préoccupante des droits fondamentaux". Les services publics sont de "plus en plus distants", résume le rapport.

Les organismes mis en cause par les réclamations des usagers sont notamment les services de l'Etat (environ 13.000 réclamations) et les organismes sociaux (à peu près autant). Les collectivités territoriales et EPCI sont beaucoup moins incriminés avec environ 4000 saisines les concernant. 

La logique comptable à l'oeuvre derrière la réduction du périmètre des services publics, "couplée à une transformation des modes d’intervention appelés à être plus efficients" (avec notamment le Plan Préfecture Nouvelle Génération) apparaît comme "peu compatible" avec l'accroissement de la précarisation et des situations d'exclusion auxquels font face une partie des usagers.

Une hausse de la précarité qui aboutit sur des affluxs massifs d'usagers vers les services publics, en particulier les organismes sociaux. Ces organismes, comme les caisses de retraite ont tenté de faire face à cette situation en adoptant de nouveaux process de standardisation : des process ne permettant pas aux usagers de bénéficier d'un service public adapté aux besoins de leurs situations complexes.

Par ailleurs la dématérialisation des services publics amène à une situation d'exclusion numérique, sujet d'un précédent rapport du Défenseur des droits (à retrouver ici [2])

Droits des étrangers : des atteintes aux droits des mineurs étrangers isolés 

Le rapport fait état d'une "régression importante des droits fondamentaux des exilés". La logique sécuritaire a, selon le Défenseur des droits, créé  une "police des étrangers" dont la priorité est de lutter contre les "points de fixation" afin de dissuader les exilés à rester sur le territoire. Les évacuations des camps sont marqués par une forte présence policière, laissant un flou juridique à propos de l'usage du gaz lacrymogène et des contrôles d'identités utilisés pour dissuader les exilés de s'installer. Le Défenseur des droits parlent de "criminalisation des migrations".  Dans la même logique, les mesures de la Loi asile-immigration sont pointées du doigt, elles durcissent le traitement réservé aux demandeurs d'asile en France. Ainsi, le Défenseur des droits constate des entraves à l’entrée dans la procédure d’asile (saturation des dispositifs d’accueil, défaut d’information) qui ont pour conséquence l'augmentation du nombre d'exilés "contraints de vivre dans la clandestinité, subissant des conditions de vie contraires à la dignité de la personne humaine."

Les mineurs étrangers isolés ne sont pas en reste. le Défenseur des droits dénonce des "refus de scolarisation par des maires qui ont perduré" ainsi que "des refus répétés d’octroi de prestation jeune majeur opposés par des conseils départementaux aux mineurs non accompagnés accédant à la majorité, compromettant fortement leur formation professionnelle et ainsi leur insertion."

"Le Défenseur des droits prône également de mettre un terme définitif à la rétention administrative des mineurs en centres ou en locaux de rétention administrative, contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant ainsi qu’aux articles 3, 5 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme. Enfin, il s’est élevé contre le recours aux tests osseux pour déterminer la minorité des migrants en présentant des observations devant la Cour européenne des droits de l’Homme (décision 2018-138) et la création d’un fichier biométrique des mineurs non accompagnés, dans le cadre des observations qu’il a présentées au Parlement (avis 18-14)."

Droit des enfants : une priorité pour l'ensemble des pouvoirs publics

Rappelant qu'il est aussi le Défenseur des enfants, le Défenseur des droits constate une légère augmentation du nombre de cas traités, avec 3 029 réclamations relatives aux droits et à l’intérêt supérieur de l’enfant. Les motifs de réclamation les plus fréquents sont relatifs à la protection de l'enfance et au droit à l'éducation. Par ailleurs, le Défenseur des droits se félicite de l’augmentation constante de la part des enfants parmi les auteurs de réclamations, sensibilisés à leurs propres droits.

Le Défenseur des droits rappelle que la protection de l’enfance doit être une priorité pour l’ensemble des pouvoirs publics : État, départements, secteur sanitaire et communes. Il constate l'urgence de mettre en place un pilotage au niveau national consacré à la protection de l’enfance, en collaboration avec les départements. Il insiste : "le travail en réseau, le partage d’informations et les transitions dans la prise en charge sont négligés."

Discriminations : l'emploi, premier domaine concerné par les discriminations 

Parmi les différents motifs de discrimination, le handicap est en tête des problèmes soulevés, devant les discriminations liées à l'origine et celle à l'état de santé. En effet, sur les 5 631 saisines reçues en 2018 mettant en cause une discrimination, le handicap (22,8%) reste, pour la seconde année, largement en tête des critères invoqués, devant l’origine (14,9%) et l’état de santé (10,5%). Et c'est avant tout dans le domaine de l'emploi que ces discriminations interviennent. Ces discriminations dans le domaine de l'emploi peuvent prendre différentes formes : statut défavorable, carrière bloquée, discriminations à l'embauche (en raison du lieu de résidence), non-renouvellement de contrats, licenciements (notamment en raison de leurs opinions opinions politiques).

Discrimination selon le sexe et égalité femme-homme : ces discriminations représentent 4,6% des saisines du Défenseur des droits dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Pour autant, une approche genrée des différentes causes de discrimination démontre que le fait d’être une femme augmente le risque d’être victime d’une discrimination au titre de l’une de ces causes.

Sécurité : des manquements à la déontologie

L'année 2018 marque une hausse de 24% des réclamations liées à "la déontologie de la sécurité", dont la majorité concerne l'action de la police. A noter tout de même que parmi les 1 520 réclamations à ce sujet, les manquements à la déontologie de la part de policiers, de gendarmes ou de gardiens de prison concernent "moins de 10% des cas".  Dans son rapport, le Défenseur des droits mentionne un "manque de considération de certains membres des forces de sécurité à l’égard de catégories de personnes ce qui a pour effet de stigmatiser une partie de la population, de limiter l’exercice de ses droits et de l’écarter des services publics".

Le Défenseur des droits rappelle que "le respect du droit par les forces de sécurité, les représentants de l’État et les personnes dépositaires de l’autorité publique, est la condition essentielle d’une relation de confiance avec la population." Il demande que les problématiques du maintien de l'ordre soient appréhendée dans une approche d'apaisement et de protection des libertés individuelles.

A ce sujet : une étude a été engagée en 2018 par l’Institut national des hautes études de la Sécurité et de la Justice (INHESJ), portant sur la stratégie de « désescalade », susceptible de contribuer à une amélioration des relations police-population.

La protection des lanceurs d'alerte :

Dans 85 % des cas de saisines de personnes se présentant comme lanceurs d'alerte, les faits dénoncés interviennent dans le cadre de leur environnement professionnel. Le Défenseur des droits constate une méconnaissance du régime juridique de la protection des lanceurs d'alerte et rappelle l'obligation d'information des employeurs. Il estime que ce régime de protection est trop complexe. 

Retrouvez ci-dessous le rapport dans son intégralité.

Jeudi 14 mars 2019 - 10:00
Publié le 14 mars 2019