Organisés en sous-groupes professionnels (éducation national, préfecture, collectivités, chef de projet opérationnel des cités éducatives), ils ont échangé sur l’état d’avancement :

  • Des grands objectifs stratégiques constitutifs de la cité éducative,
  • De l’intégration des familles et des jeunes à l’élaboration des cités éducatives
  • De la gouvernance et les modalités de co-pilotage

Après ce temps partage, il leur a été demandé de formuler à l’intention des 8 CE en cours de labellisation enseignements et conseils qui pourraient leur être utiles en amont de la mise en œuvre de leur cité.

Jean-Marc BERTHET sociologue des politiques éducatives a synthétisé ces éléments en fin de matinée puis les a transmis en début d’après-midi aux 8 CE en cours de labellisation. La synthèse ci-dessous reprend les principaux éléments à retenir.

Enseignements et conseils à l’intention des 8 nouvelles cités en 7 points

1. Les cités éducatives s’inscrivent dans une démarche, dans une philosophie qui tente de limiter l’effet dispositif supplémentaire, organisation supplémentaire.

  • Invitation à s’appuyer largement sur l’existant avant même de se poser la question de réinventer des choses.

2. Ce qui fait la spécificité des cités éducatives c’est ce co-pilotage à 3 acteurs : les services de l’Etat, l’éducation nationale et les collectivités.

  • Prévoir, en amont le temps nécessaire au calage spécifique du fonctionnement de la troïka, de son mode d’organisation, de ses participants et de la régularité de ses rencontres.

3. A partir du moment où les cités éducatives embrassent le spectre large des 0 à 25 ans, elles vont être amené à mobiliser beaucoup d’acteurs.

  • Penser dès le début, à l’association d’autres partenaires qui viennent en plus de Troïka tels que l’ARS, la Région, les Départements, les CAF.

4. Au-delà des membres de la troïka, nécessité de penser et d’initier l’articulation en interne des acteurs qui auront à collaborer ensemble dans le montage de ces cités.

  • Au sein de l’éducation nationale, associer l’IEN pour le premier degré, les lycées dans l’environnement du territoire visé, les coordo REP+ et l’Inspection académique.
  • Au sein des collectivités locales : mobiliser dès le démarrage les différents services concernés par la cité et ils sont nombreux. (Education, sport, culture etc…).

5. Questions financières, les sollicitations ne vont pas manquer en votre direction une fois la labellisation confirmée. 

  • Eviter la logique de guichet, de distribution d’argent. 
  • Être vigilant à la forme de l’appel à projet, garder une certaine souplesse.
  • Rester attentif à ce qui existe déjà sur le territoire et à aller vers des actions structurantes.

6. Entre logiques descendantes et logiques ascendantes.

  • Nécessité d’avoir en tête l’articulation entre le processus de labellisation porté au national par l’ANCT et la réalité de l’existant sur vos territoires.

7. Une troïka va s’organiser mais la question de la mise en œuvre va se poser et dans la troïka tout le monde n’aura pas forcément du temps dédié spécifiquement de manière importante à cette mise en œuvre.

  • Penser le recrutement du chef de projet opérationnel dès maintenant plutôt qu’en cours de route.

Quelques détours et réflexions à partir de ces 7 conseils

1. Les cités éducatives sont à la fois dans la politique de la ville et dans les politiques éducatives locales. On a de ce fait sur tous les territoires des configurations, des organisations, des fonctionnements, beaucoup de dispositifs autour des questions éducatives (Projets éducatifs locaux, Projet éducatif de Territoire (PEDT), Contrat d’accompagnement à la scolarité, dispositifs de réussite éducative, des actions relatives à la parentalité…).

Il est donc important pour les CE de repartir des dispositifs existants.

2. Les cités éducatives, s’inscrivent dans l’histoire de la politique de la ville et dans les 3 entrées innovantes qu’elle a apportées dans l’histoire des politiques publiques :

  • L’entrée par le territoire
  • La question du partenariat et de la transversalité
  • La participation des usagers et des publics

3. Si on observe les CE à partir de ces éléments de contexte à la fois du côté des politiques éducatives locales mais aussi du côté des politiques de la ville, elles apportent une innovation, celle du co-pilotage par la troïka.

Innovation qui se traduit par la volonté dès le départ d’organiser un jeu minimum avec ces 3 grands types d’acteurs et leur mobilisation continue et conjointe.

4. Il y a également un autre point qui a été soulevé par les CE dans ce qu’elles peuvent produire, c’est le niveau d’ambition sur la tranche d’âge 0-25 ans. Dans la mise en œuvre actuelle les actions couvrent majoritairement les 3-16 ans ou les 6-16 ans. C’est un peu plus compliqué sur les 0-3, 0-6 ans et sur les 16-25 ans.

Cette tranche d’âge élargie (0-25 ans) amène d’autres acteurs notamment sur les 16-25ans comme la mission locale, la prévention spécialisée, les universités lorsqu’il y en a sur le territoire de la cité éducative.

5. Les cités éducatives s’inscrivent dans ce qu’on appelle des politiques publiques constitutives ou procédurales. Ce qui signifie que globalement les cités éducatives sont peu normées par le national. Il y a peu de règle, le cadre reste assez souple et léger. C’est donc à chaque fois localement en fonction des réalités territoriales que va se construire le cadre de la cité.

Un des soucis évoqué par les cités concerne la transmission à des nouveaux professionnel.le.s qui n’ont pas forcément participé au montage de la cité.

On voit bien là, qu’il y a un enjeu de formation pour les nouveaux arrivants ou en tout cas un enjeu de circulation de l’information à la fois pour le plus grand nombre sur le territoire mais aussi pour les nouveaux arrivants.

Eléments de réflexions concernant les 3 grands objectifs 

1er grand objectif : Conforter l’école

L’école reste centrale à la cité éducative mais ça signifie qu’en interne de l’éducation nationale, ça va impliquer des nouvelles collaborations ou du moins ça va systématiser de nouvelles collaborations entre le premier degré, le niveau des collèges celui des lycées voir au-delà. Ce n’est pas anodin et ça pose la question dans le pilotage interne du comment ça s’organise au sein de l’éducation nationale. Et derrière c’est aussi la question du comment l’éducation nationale peut s’ouvrir en termes de pilotage à des partenaires extérieurs.

Un des satisfécits c’est comment l’éducation nationale intègre en son sein dans certains espaces comme les conseils pédagogiques, dans le fonctionnement et le pilotage des REP+ des partenaires extérieurs qui n’y étaient pas toujours. C’est un point important en particulier pour penser des parcours et leur organisation avec des référents de parcours. Autre exemple, la question de la fusion d’établissement scolaires dans le cadre du renouvellement urbain avec la création d’une école. Cette situation amène par exemple à repenser des questions relatives à la programmation des équipements scolaires qui ne sont pas anodines et qui ne ce serait pas forcément posées de la même manière sans les cités éducatives.

2ème grand objectif : garantir la continuité éducative

Derrière cette idée de continuité il y a une dimension dont on a vu la limite dans le cadre des PEDT notamment concernant les rythmes scolaires initiés il y a 8 ans. Un des enjeux réside dans l’articulation des cultures professionnelles entre elles et l’organisation du partage de ces cultures professionnelles. L’organisation de formations inter métiers est un enjeu important pour les cités éducatives.

Jean-Marc BERTHET souligne la nécessité de se poser la question de ce que ça produit pour les enfants d’être partagé dans une journée entre plein d’adultes qu’ils peuvent croisés qui n’ont pas forcément de lieu de régulation entre eux.

Référence : Julien Netter sociologue, a mené un travail au sein des écoles de Paris suite à la réforme des rythmes a démontré que si on n’y prenait pas garde on peut produire une école fragmentée.

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2019/04/12042019Article636906500283350558.aspx [1]

Les enfants des écoles de Paris peuvent croiser une dizaine d’adultes dans leur journée (enseignt.e, éducateur.rice sportif ou culturel, des personnels de restauration, des ATSEM, des animateurs sur le temps péri-scolaire, …) et Julien NETTER constate que les enfants qui s’en sortent le mieux sont celles et ceux qui arrivent à traduire pour eux-mêmes des espaces éducatifs qui ont des intentions différentes (ludique, scolaire, apprentissage…). Il souligne qu’une des grandes inégalités à l’école aujourd’hui tient dans la capacité des enfants à traduire et à faire la synthèse de ces différents espaces éducatifs.

3ème grand objectif : Ouvrir le champ des possibles

Ce troisième objectif est vraiment laissé à l’appréciation locale et renvoie à un haut niveau d’ambition et à un haut niveau de complexité. L’engagement de formation des adultes sur un même territoire est en ce sens important. Le tutorat, le mentorat sont des pistes intéressantes, lorsque des jeunes de lycée accompagnent des élèves de 3ème, quand des élèves de 3ème accompagnent des élèves de CM2 on dépasse le seul cadre scolaire et on donne la possibilité à des jeunes de devenir des référents pour d’autres et c’est tout à fait intéressant en termes de champ des possibles.

La place et l’implication des familles au sein des cités éducatives

Le travail avec les familles a été altéré par la crise sanitaire avec une plus grande difficulté à les rencontrer. Sur tous les territoires, il y a des associations, des centres sociaux, des maisons de quartier, des MJC qui déploient des actions en lien avec les parents et sur lesquels la cité éducative peut s’appuyer.

Si on reprend la très longue histoire de l’éducation nationale en partant de l’école de la IIIème République c’est la construction d’une école contre les familles, dans une mise à distance des familles. Ce passage d’extraterritorialité de l’école lors de la IIIème République n’est pas à perdre de vue dans la relation de l’école et de la famille pour ce qui qu’on vient de loin.

Jean-Marc BERTHET évoque Pierre PERIER, sociologue qui montre comment les liens entre les parents et l’école ont selon les périodes pris différentes formes jusqu’en 1960. En gros, les parents sont initialement plutôt exclus de l’école. Puis une deuxième forme (qui est en crise dans les QPV) associe les parents via les associations d’élèves. Enfin, on assiste à une troisième forme, celle de l’individualisation de la relation des parents à l’école.

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2019/09/17092019Article637043024900105953.aspx [2]

Lorsqu’on travaille sur cet axe se pose la question des collectifs de parents, comment peut-on renforcer cette place des parents. Or, concernant la co-éducation dans les QPV, les attentes de l’école ne sont pas toujours très bien explicitées. Elles sont souvent implicites ce qui renforcent parfois les malentendus entre l’école et les parents. Il s’agit de la question des codes du monde scolaire en plus du monde des codes sociaux qui s’adressent à l’intention des parents et comment on peut y travailler.

Selon Bernard LAHIRE, « Les enfants des quartiers populaires qui réussissent à l’école, ce sont des schizophrènes heureux. »

Par cette formule, il évoque des enfants qui sont tendus entre différents mondes sociaux, celui de l’école et celui de leur(s) parent(s) qui n’ont pas les mêmes codes. Par un processus de traduction puis d’acquisition ils arrivent à s’y retrouver, ce qui permet leur réussite scolaire. Ils font ce travail de synthèse qui contribue à leur réussite.

Questions partenariales, pilotage, gouvernance

Derrière la coopération, collaboration, coordination il s’agit de construire des objets de travail communs. Il y a une multitude de cultures professionnelles et derrière chaque culture professionnelle il y a des enjeux d’identité professionnelle. Chacun a son langage, son vocabulaire. Un des enjeux pour la troïka réside dans sa capacité à parler plusieurs langues. Elle sera d’autant plus opérante que le chef de file côté éducation nationale parlera mieux la langue des collectivités, que la collectivité parlera mieux la langue de l’éducation nationale et que les services de l’Etat seront dans cette même dynamique. Acquérir le vocabulaire propre à chaque institution et le partager, c’est une vraie gageure des cités éducatives et ça prend du temps.

Avant de parler de culture commune, les acteurs sont plutôt invités à tendre vers une culture en commun en se donnant dans un premier temps des objets de travail communs

Actu de l'IREV [3]
Mercredi 31 mars 2021 - 18:15
Publié le 31 mars 2021