Le rapport " les Quartiers Pauvres ont un avenir" (2020) piloté par Hakim El Karoui visait à déconstruire les stéréotypes à l'encontre des quartiers prioritaires et notamment aux moyens alloués. Il avait alors pointé la nécessité de conduire une nouvelle phase de la rénovation urbaine nécessitant de renforcer le volet social.
C’est pour répondre à cet enjeu que l’Institut Montaigne a lancé en juin 2021 une réflexion permettant de rédiger le tome 2 de ce rapport, co-pilotée par Hakim El Karoui et Olivier Klein (maire de Clichy-sous-Bois, président de l’Agence Nationale de Rénovation Urbaine – ANRU) consacré cette fois à l’énoncé de propositions opérationnelles avec l’objectif d’apporter des réponses concrètes en se positionnant à l’échelle du quotidien vécu des habitants.
Ce rapport resonne comme une sonnette d'alarme face aux situations de pauvreté, à leur concentration au sein des quartiers populaires et à leurs conséquences sur les inégalités subies et le sentiment d'injustice.
"Pour faire société, il est indispensable de réhabiliter la promesse républicaine. Là où l’on imagine parfois que les habitants sont davantage bénéficiaires que contributeurs de la solidarité nationale, l’examen méthodique de la situation nous invite à une conclusion bien différente".
Qu'il s'agisse du taux de non-recours aux prestations sociales universelles particulièrement fort chez les plus pauvres ou du dynamisme économique de ces mêmes territoires contribuant fortement au rayonnement national, ce rapport tente de bousculer tant l'opinion public que l'organisation de l'action publique à destination de ces quartiers.
En effet, le travail mené par cette commission a eu pour objectifs d'identifier les besoins des populations en partant des témoignages collectés dans les quartiers. Le rapport énonce ainsi une série de situations vécues, positionnées au fil des 24 heures d’une journée ordinaire, auxquelles il formule des réponses opérationnelles.
Pour un ANRU des Habitants
C'est cette vision que ce groupe de travail qualifie d’« ANRU des habitants ». Elle entend capitaliser sur les succès de la méthode contractuelle initiée par Jean-Louis Borloo du renouvellement urbain pour continuer à répondre aux besoins de ceux qui vivent dans les quartiers pauvres. L'institut Montaigne plaide pour une nouvelle méthodologie d’action publique à destination des zones défavorisées. Concrètement, il s’agit de mettre en place une nouvelle contractualisation pluriannuelle répondant aux besoins des acteurs de terrain et des habitants :
- des objectifs au long cours,
- des moyens budgétaires,
- une visibilité financière de long terme, un pilotage des actions,
- une évaluation de l’impact,
- une coordination « tour de table » avec les élus locaux et les acteurs associatifs,
- un investissement spécifique dans les quartiers les plus en difficulté.
Partir du besoin des habitants pour formuler des propositions
Ce rapport se présente sous une forme originale. Il est le récit d’une journée ordinaire dans les quartiers, de 7h à 22h. Au fil des heures, nous lisons des témoignages d’habitants, qui sont contextualisés et accompagnés de propositions.
Ces témoignages ont été recueillis dans différents types de quartiers, suivant la typologie proposée par le premier rapport :
• Les quartiers post-industriels correspondent en majorité aux zones anciennement industrielles et situées dans le nord/nord-est de la France. Près de 1 million d’habitants y vivent ;
• Les quartiers « excentrés », situés en grande partie dans ou près des petites villes et villes moyennes. Moins pauvre et moins jeune, leur population compte 1,7 million d’habitants ;
• Les quartiers « métropolitains », situés en périphérie des grandes métropoles et en particulier en Île-deFrance. Ils comptent 3,4 millions d’habitants. Ces quartiers se distinguent, entre autres, des deux premières catégories par des phénomènes plus marqués d’échec scolaire, de délinquance et de trafic de drogue. Ils sont le reflet de la diversité des situations rencontrées dans les quartiers pauvres de notre pays et invitent à penser à des solutions territorialisées et adaptées aux besoins des territoires et de leurs habitants.
10h – Refonder l’orientation en milieu scolaire et renforcer le lien entre les entreprises et les quartiers
« Quand j’étais à l’école, on m’a orienté vers un CAP sécurité, mais le problème c’est quand ils ont fait le jury d’examen et qu’ils ne m’ont pas pris ils m’ont conseillé de faire un BAC Pro Commerce. Je n’avais pas envie de le faire. En fait ils ont fait ce choix entre profs, ils m’ont mis dans le Bac pro Commerce. Moi à la base je voulais m’orienter vers le secteur du médical, je ne me vois pas dans le commerce ou la mécanique. À la base je voulais être sapeur-pompier et eux m’ont dit qu’il fallait que j’aille vers un CAP sécurité. » Jeune homme en quartier post-industriel.
Pour faire écho aux propos envoyés par le Ministre Pap NDiaye aux enseignants dans sa lettre ouverte, il est urgent d'agir face aux inégalités sociales. L'école peine à réduire ce qui aujourd'hui apparait comme une fracture. C'est ce lien que le rapport tente de dénoncer par les effets délétères des contextes scolaires, profondément inégalitaires.
Une des propositions s'attache dès l’enseignement secondaire à favoriser l’égalité des chances et refonder l’orientation en milieu scolaire en s'attachant notamment à accroître la mixité sociale au collège et à renforcer le tutorat-Mentorat :
- PROPOSITION N° 13 : Multiplier les secteurs multi-collèges en favorisant la méthode de la montée alternée (dont l’efficacité a été démontrée 44), avec un périmètre de distribution dépassant les QPV, et fermer les collèges où les indicateurs de ségrégation sont les plus élevés.
Le tutorat : une solution efficace pour l’orientation des jeunes
- PROPOSITION N° 14 : Dans le cadre d’un nouveau « Contrat de Solidarité Nationale », mettre en place un système de tutorat obligatoire permettant à chaque jeune issu d’un QPV, mais aussi et plus généralement des zones les plus pauvres du pays, notamment en milieu rural, d’être accompagné, à partir de la classe de seconde et jusqu’à la signature de son premier contrat de travail, par un tuteur adulte, en poste.
Le rapport se termine par une dernière partie dédiée à la gouvernance de la politique de la ville, sur laquelle il est proposé une série d’évolutions.
"Faire émerger une nouvelle gouvernance de la politique de la ville, c’est d’abord remettre sur un pied d’égalité les pouvoirs publics et ceux qui sont les destinataires de leur action"
« L’ANRU » des habitants appelle à une gouvernance renouvelée, associant habitants et pouvoirs publics. Cela passera par une plus grande horizontalité des échanges et être s’accompagné de la mise en place des moyens financiers et de l’ingénierie adéquats, pour sortir de la situation de sous-investissement public chronique installée depuis plusieurs décennies.
Accéder à la synthèse et à l'ensemble des propositions
Pour faire société, il est indispensable de réhabiliter la promesse républicaine. Là où l’on imagine parfois que les habitants sont davantage bénéficiaires que contributeurs de la solidarité nationale, l’examen méthodique de la situation nous invite à une conclusion bien différente.
Une mauvaise orientation contribue à rendre les études difficiles pour tous les jeunes, quel que soit le niveau d’étude suivi, mais elle a des effets psychologiques beaucoup plus délétères chez les jeunes de faible niveau d’étude, chez qui elle est en outre beaucoup plus fréquente. La mauvaise orientation contribue alors à les convaincre que les études qu’ils suivent sont inutiles (graphique 2), et apparaît comme un facteur décisif du « mal-être » scolaire.