Tim Burton pourrait être en repérage à Liévin pour son prochain tournage qu’on ne serait guère étonné. Car c’est nimbée de mystères que la ville nous accueille ce matin-là.
Froid polaire, brume hivernale, ombres de terril et chevalements au profil graphique concourent à cette ambiance pour le moins picturale que le fronton du bâtiment communal « Les Grands Bureaux », où nous retrouvons l’équipe de la ville, ne dément pas. Les Grands Bureaux ? Voilà une formule bien énigmatique pour cet imposant bâtiment de briques rouges, niché dans la verdure, sur la butte de Réaumont. Bureaux des cols blancs du temps des mines ? Hôpital ? Nous parions sur la fonction initiale de cet édifice massif.
C’est au son du carillon, qui résonne à 9h pétantes sur les hauteurs de Liévin, que nous sommes accueillies sur place par l’équipe en charge du PRU. Jodie, chef de projet et historienne de formation ainsi qu’Adrien, arrivé récemment en renfort sur le territoire, font taire nos conjectures tout en nous donnant raison : Les Grands Bureaux, avant d’être un équipement de services centralisés de la commune ont eu plusieurs vies : anciens bureaux de la société Houillère de Liévin, structure hospitalière… les lieux sont chargés et cela se ressent.
Départ pour notre virée urbaine. Si Liévin a trois quartiers prioritaires (Blum - Salengro - 109, Calonne - Marichelles - Vent De Bise et Les Hauts De Liévin - Résidence Des Provinces - Cités 9-9bis), le programme de la journée est de visiter les sites concernés par un PRU : des noms évocateurs tels que Vent de bise, les oiseaux, résidence de l’Europe, Chouard, Pasteur, ou encore Marichelles où les opérations de renouvellement urbain sont, selon les sites, en cours d’achèvement ou à venir. Pour l’heure, le brouillard est si dense que l’on devine à peine les empreintes du passé minier, pourtant ici omniprésentes. Toutefois, chemin faisant, nous n’y coupons pas : n’est-ce pas un chevalement qui fait irruption ici ? Pop-up historique en pleine zone commerciale, fière allure, il tient la dragée haute aux cinémas et autres fast-food alentour. Et comme pour mettre tout le monde d’accord, la friterie Laurent semble faire le trait d’union entre ces deux mondes.
Première halte à la cité Chouard : ancienne cité ouvrière métamorphosée par le PNRU, elle voit aujourd’hui s’achever sa transformation. Les dernières livraisons sont prévues pour mi-2017, mais d’ores et déjà les effets du renouvellement urbain se distillent. Est-ce l’effet du froid, la lointaine rumeur du passage à niveau ou bien le parfum de feu de bois émanant d’une cheminée qui confèrent à la rue Blériot cette quiétude? Une paisibilité confortée par notre déambulation au gré des rues tranquilles, rythmées de maisons neuves (dont certaines en accession à la propriété) et de petits immeubles collectifs. Ce sentiment semble partagé par une partie de la population du quartier, qui, relogée dans ces béguinages, a pu apprécier l’amélioration de l’habitat. « Pour nous, ici c’est l’Amérique » s’est ainsi exclamé un habitant de retour sur le quartier. Une amélioration du cadre de vie qui a permis d’amorcer le changement d’image du quartier, enjeu de ce premier ANRU.
Cette cité Chouard nourrit aussi l’imaginaire, ressuscitant au passage quelques souvenirs d’anthologie du septième art américain. Ainsi la rue Germain Delebecque fait office de médiane dans un jeu de miroir où les briques rouges de l’ancienne cité minière voisine répondent à la modernité cubiste du nouveau bâti. Cette longue avenue rectiligne et pentue nous évoque Steeve Mc Queen que l’on s’attend à voir débouler, comme dans l’une de ses infernales courses-poursuites dans les rues du San Francisco de 1968.
Mais trêve de mythologie cinématographique : nous ne sommes pas en Ford Mustang et on ne dévalera pas la pente à folle allure, mais à l’instar de Frank Bullit nous poursuivons notre enquête en reprenant la route vers d’autres secteurs. De l’autre côté de la voie ferrée, nous trouvons la cité Pasteur, flambant neuve, où le bois clair rythme les rues. Volets filtrant, balustrades sur les balcons, portails des garages et palissades ont un caractère champêtre qui contraste avec le rouge et le blanc des façades. Ici, le projet de renouvellement urbain est terminé (dernières livraisons à l’automne 2016), ce qui n’est pas tout à fait le cas sur le secteur des Oiseaux où certaines parcelles démolies sont toujours à l’étude. Objet d’une réhabilitation conséquente, le périmètre a été l’opportunité d’une réflexion sur la résidentialisation. L’installation de containers enterrés pour la collecte sélective a été l’occasion d’un travail de sensibilisation avec les habitants.
C’est une toute autre atmosphère qui nous attend dans les secteurs de l’Europe et des Marichelles : quartiers des années 60 où la qualité de vie a été améliorée notamment par une réorganisation de la circulation (piétonne, automobile…) et une réhabilitation thermique des logements. Un bref passage sur place et nous reprenons la route.
Le dénivelé, pourtant rare dans la région, semble ici omniprésent : une fois encore nous voilà à gravir une colline pour accéder au quartier « Vent de bise ». Vent de bise ! Qu’il porte bien son nom ce quartier : nous nous gelons littéralement les orteils ! Et les appellations des résidences du secteur, bien que poétiques, ne sont pas faites pour nous réchauffer : Mistral, Pomperro, Sirroco, Boréal…
Le quartier n’a pas encore bénéficié de son Projet de Renouvellement Urbain mais on perçoit d’ores et déjà le potentiel de valorisation qu’il recèle, en tant que quartier d’entrée de ville. Les éléments topographiques nous mettent sur la voie d’un enjeu paysager. Le dénivelé et la nature, manifestes à chaque coin de rue et à l’horizon, se prêtent à des jeux de perspectives. Et ce n’est pas «l’arbre de la liberté », planté au milieu de l’espace public qui trahit ce potentiel. Happés par l’ambiance sonore et le spectacle d’une grande cour de récré, on peut d’ores et déjà comprendre ce que sont les atouts à valoriser avec le futur PRU: la jeunesse des habitants et la vie associative du quartier. L’école, l’IEM, les associations, « Le Foen » (foyer des étudiants), l’épicerie sont autant de ressources mobilisables. En prélude, le lien au parc de Rollencourt et au très vivant Boulevard commerçant du Maréchal de Tassigny devrait être amélioré prochainement avec la desserte d’un Bus à Haut Niveau de Service.
C’est donc en s’imaginant ce que sera le quartier dans quelques années que nous quittons nos hôtes d’un jour, à qui nous souhaitons bon courage pour la dernière ligne droite avant la signature du protocole de préfiguration (qui a eu lieu le 10 mars) et la phase de programmation urbaine qui s’en suivra.