Quel est le point commun entre Haïti et le quartier Beauséjour de Noyon ?
Route verdoyante, soleil printanier, silhouette de cathédrale gothique plutôt que profil de chevalement, terrain dénivelé…pas de doute nous sommes bien dans le sud…de la région Hauts-de-France, mais faire de ce caractère méridional du versant Picard un point commun avec Haïti serait un tantinet exagéré.
Il en est un beaucoup plus évident qui n’est autre que notre guide du moment : Estelle Collinet. Architecte-urbaniste de formation arrivée tout droit d’Haïti où elle exerçait dans la construction d’urgence, Estelle est désormais chargée de RU sur le quartier PRIR Beauséjour situé à l’est de la ville et incarne à elle seule un genre de truchement entre Haïti et Noyon.
C’est accompagnées de notre « truchement », de Vladimir Auvray, responsable PV et contrat de ruralité pour la CCPN et de Chloé stagiaire à la CCPN que nous découvrons Beauséjour, l’un des deux QPV de la ville (qui compte également un quartier de veille). Le protocole de préfiguration signé en Juillet 2016 a lancé officiellement la démarche de Programme de Rénovation Urbaine d’Intérêt Régional (PRIR) donnant le signal de départ d’un programme de sept études sur l’habitat, les espaces et équipements publics ainsi que les commerces pour une signature de convention prévue à l’automne 2017.
Le parking en guise d’entrée de quartier, quand bien même celui-ci accueille mensuellement un marché franc (foire aux animaux), alerte de fait le visiteur quant à l’enjeu de désenclavement porté par le projet de renouvellement urbain. Et si cette entrée de site peut faire oublier l’époque où l’endroit était encore occupé par un champ, notre balade rappellera à quel point cet héritage champêtre n’est pas qu’un vieux souvenir oublié dans les méandres de la mémoire urbaine de Beauséjour. Un enjeu de désenclavement auquel s’ajoute une composante délicate : le quartier, créé dans les années 70 comprend 400 logements sociaux (pour deux bailleurs présents) et 400 logements en copropriété (dont 110 de type individuels). Une mixité de l’habitat à prendre en compte dans la stratégie du projet mais qui peut être un atout : nos guides faisant mention d’habitants investis comme en témoigne le succès de certains ateliers dédiés à la participation. Inscrits au programme d’une première phase de communication autour du projet, les ateliers NAP, organisés avec les enfants sur les temps périscolaires ont remporté un vif succès : à tel point que le jeune public s’est ensuite impliqué dans les ateliers adultes. « La participation : il faut y aller ». C’est ainsi que Estelle caractérise les démarches de co-construction entreprises : s’appuyant sur le conseil citoyen, un travail sur la mémoire du quartier est en cours. Un schéma de participation est élaboré, qui doit permettre aux habitants de mieux appréhender les études réalisées. Pour ce faire, différentes propositions d’actions, aux formats variés : interviews d’habitants pour la radio Noyonnaise, street art…
Le PRIR devrait permettre de contrecarrer un marché immobilier très détendu, caractérisé par 20 à 30% de vacance mais également de travailler les franges du QPV via les réseaux et la voierie. Les habitants éprouvent, à raison, la frontière de leur quartier, incarnée par la rue de Beauséjour. De l’autre côté de cette frontière « visible-invisible » une usine de chocolat et quelques commerces animent l’espace.
Dès l’entrée de quartier par l’avenue Brézillon, la trame urbaine orthogonale s’impose au promeneur ainsi que l’omniprésence de la nature, ou plutôt de rappels ou « pop-up » bucoliques : ici un tilleul massif, là une petite coulée verte, plus loin des jardinets fleuris ; un caractère champêtre investi par les usagers : un trio bavarde paisiblement installé sous des sapins, un chat s’étire dans l’herbe… A n’en point douter l’enjeu paysager pourrait être au cœur du PRIR. Ce petit air de campagne s’incarne également par les noms des habitations ou des rues alentour: résidences Myosotis, Campanules, allée des Cerisiers, rue Monseigneur Lagneaux…Vous avez dit champêtre ? Le groupe d’habitations en rez-de-chaussée dédié aux personnes âgées corrobore cette impression, que ce soit par sa forme ou son appellation : « le trèfle à quatre feuilles ». Un ensemble qui sera mis aux normes d’accessibilité PMR hors financement ANRU. Même si ce caractère bucolique semble bien contrarié par l’omniprésence des aires de stationnement, qui compte tenue de leurs problématiques d’usages seront retravaillés dans le cadre du projet, nos guides souhaitent capitaliser dessus. Des projets de jardins de proximité favorisant le mieux vivre ensemble et permettant de gérer les différentes temporalités du projet pourraient fleurir ça et là prochainement. Les différences de nivellement topographique concourent également à ce sentiment de nature.
Autre enjeu du projet : la localisation de l’unique équipement public de ce QPV : la maison de quartier -les écoles quant à elles étant situées hors QPV- . Implantée au centre de Beauséjour, elle sera au cœur des préoccupations : actuellement source de nuisances sonores importantes -agissant telle une caisse de résonnance pour les bâtiments alentours- sa délocalisation ne devra pas se faire au détriment de la centralité qu’elle incarne actuellement, véritable connexion avec le reste de la ville.
En pénétrant d’avantage dans le quartier, nous venons butter sur une barre de huit montées d’escaliers qui, si elle masque quelque peu la perspective côté cour, réserve côté jardin une jolie surprise. Sur cette frange du quartier coule le canal : percé dans les années 70, il transforme le citadin en promeneur, cycliste ou navigateur. La magie opère à la vue d’une péniche bleue et blanche, OCEANIC tatouée fièrement à sa proue ou d’un groupe de fringants sexagénaires en cuissards déboulant à fond de ballon sur la piste cyclable. L’arrivée du canal Seine Nord Europe d’ici 2025-2030 modifiera ce paysage.
Cette visite guidée de Beauséjour aura permis d’éprouver ce qu’un Projet de Renouvellement Urbain peut avoir de stimulant : envisager le champ des possibles en se nourrissant de l’identité et de la mémoire des lieux.
Un rapide détour par le quartier politique de la ville de Saint-Siméon qui a vu s’achever l’ANRU1 l’an dernier nous conforte dans ce sentiment : ce quartier de logements sociaux, perché sur une butte, semble avoir profité à plein de sa vocation paysagère : escaliers, nivellements de terrain et résidentialisation donnent l’impression d’un endroit où il fait bon vivre.
Noyon, c’est cool !
Autres lieux, mais à l’ambiance tout aussi stimulante : le campus Innovia, ancien site militaire transformé en campus économique qui a abrité ce même jour notre rencontre de réseau des chefs de projet. Ce campus économique a pour objectif d’accueillir des entreprises, des organismes de formations et des évènements permettant de créer une dynamique économique forte sur le territoire. Une dizaine d’anciens bâtiments militaires accueille dorénavant des entreprises soit environ 200 salariés et 40 entreprises sur des secteurs d’activités diversifiés. L’endroit compte également la création et le développement d’un espace de formation, l’implantation d’un Internat de la réussite, sous maîtrise d’ouvrage du Conseil départemental de l’Oise, avec près de 150 élèves et la création d’une Pépinière Eco-Industrielle.
Un dynamisme des lieux ainsi reconvertis qui ne vient en rien taire le caractère organisé et rigoureux de l’ancien bâti militaire : et malgré l’activité environnante c’est une forme de quiétude qui émane des lieux eux-aussi marqués par une forte empreinte paysagère : arbres et verdures semblent omniprésents. Une alliance de rigueur et de dynamisme que nous avons aussi pu éprouver à l’écoute de la présentation faite par l’équipe politique de la ville de la Communauté de Communes du Pays Noyonnais. Richard Gulzinski, Directeur Général Adjoint des services mutualisés, ainsi que Carole Bonnard , vice-présidente de la CCPN, première adjointe à la ville de Noyon, élue en charge de la Politique de la Ville ont partagé avec les chefs de projet présents ce qui fait la complexité de leur action : la nécessité de trouver des passerelles pour articuler et remplir les différents objectifs du contrat de ville, évoquant un objet comparable à un puzzle qui prendrait forme grâce à une équipe pluridisciplinaire et à la validation politique. Une équipe en tout point « assortie » aux lieux où nous nous trouvons.
C’est par la visite de la pépinière éco-industrielle que notre rencontre de réseau s’est achevée. Notre petite équipe a pu apprécier ce bâtiment high-tech de 4000m² dédié à l’innovation, à la recherche et à l’expérimentation ainsi que le dynamisme de notre guide, Sarah Louvet, chargée de promotion et de marketing. Des ateliers destinés aux porteurs de projet au makerspace type « fablab » destiné aux entreprises en passant par le superbe amphithéâtre de 200 places : c’est sur cette déambulation inspirante et stimulante que le groupe s’est dispersé, laissant échapper quelques « Noyon c’est cool ! » qui témoignent de la convivialité des lieux et des échanges qui s’y sont tenus.