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Evaluation de l'attractivité des QPV : Les Provinces Françaises (Maubeuge)

Le rapport d'évaluation destiné à apprécier l’attractivité des quartiers prioritaires réalisé par la Cour des comptes contient un focus sur le quartier des Provinces Françaises à Maubeuge (Nord). 

Dans son rapport, la Cour des Comptes analyse l'attractivité autour de 3 axes clés :  «Habiter», «Éduquer» et «Implanter une activité économique». Pour les trois catégories de populations concernées par l'évaluation (habitants, parents, entrepreneurs), l’enquête s’est efforcée d’identifier et d’analyser les déterminants de leur comportement, y compris lorsqu’ils sont peu objectivables, comme c’est le cas par exemple pour le sentiment d’insécurité ou l’attachement au quartier.

L'analyse s'articule autour de 4 questions évaluatives :

  • La politique de la ville prend-elle en compte les facteurs qui affectent l’attractivité des QPV? 

Pour les Provinces Françaises la réponse est plutôt non. Les crédits spécifiques de la politique de la ville, orientés vers le financement des associations, concernent surtout des actions d’animation ou d’accompagnement social. L’action policière, si elle a permis de réduire le volume des faits constatés, a paradoxalement conduit à renforcer à l’extérieur l'image d'un quartier dangereux.

  • L’attractivité des QPV s’est-elle améliorée entre 2008 et 2018 ?

Non. Au cours de la période étudiée, le quartier est resté un lieu de concentration des populations les plus fragiles. Aucun signe ne permet d’observer l’arrivée de populations moins captives. 

  • Les dispositifs publics ont-ils contribué à cette évolution ?

Plutôt non. L’action publique s’est largement limitée à la gestion des difficultés sociales des habitants, pour éviter une dégradation encore plus importante de leur situation

  • L’articulation entre la politique de la ville et les autres interventions des services publics a-t-elle permis de renforcer l’attractivité des QPV? 
Plutôt non. L’approche transversale de l’intervention publique à travers les dispositifs de droit commun en matière d’éducation et de formation ou encore de l’habitat et du cadre de vie nécessite une meilleure coordination entre le niveau communal et intercommunal mais aussi une adhésion des populations susceptibles d’en bénéficier.  

 

En synthèse

L’appréciation des actions des pouvoirs publics et de leurs partenaires menées dans les domaines de l’habitat, de l’éducation et du développement économique à Maubeuge met en évidence la difficulté à décliner les orientations stratégiques du projet de territoire, fixées dans les documents de programmation portés au niveau supra-communautaire, dans des actions opérationnelles à l’échelle du quartier. Dans les conditions actuelles, la construction budgétaire ne permet pas de rendre compte, de manière lisible et consolidée, des moyens financiers consacrés au quartier, quelle que soit leur source. Il n’existe pas non plus de mesure qui permette de suivre, dans le temps, la réduction des écarts de développement entre le quartier et son territoire d’inclusion. Ce constat n'est pas exclusif au quartier des Provinces Françaises, il est récurrent dans l'analyse faite par la Cour des comptes.

Cadre de vie / habitat 

Le quartier des Provinces françaises est caractérisé par : sa forme urbaine peu attractive et son enclavement, des problèmes d'insécurité, de fortes difficultés socio-économiques et une image dégradée. Le quartier bénéficie toutefois d'efforts conséquents en terme de gestion urbaine de proximité et d'une forte proximité avec le centre-ville de Maubeuge. Les pouvoirs publics misent sur une rescruturation ambitieuse du quartier dans le cadre du Nouveau programme de renouvellement urbain (NPRU).

Le quartier n'a encore jamais bénéficié d'opération de rénovation urbaine d'ampleur, il est resté tel quel depuis sa construction. Il s'agit d'un parc d’habitat collectif de type HLM, construit de 1962 à 1966. Archétype du grand ensemble (barres et tours caractéristiques des ZUP des années 60, pauvreté du plan masse, densité forte) situé en contrebas du boulevard périphérique, ce quartier se caractérise par un enclavement physique et, de facto, par une forme de ségrégation sociale. Ainsi, l’attractivité des logements sociaux du quartier est restée médiocre sur la période 2008-2018 : taux de rotation et taux de vacance élevés, motifs d’attribution des logements souvent liés uniquement à des considérations financières ou à des situations personnelles très contraintes. Le marché des transactions immobilières à proximité du quartier est également atone, dans un contexte global déprimé. La cour des comptes fait de la forme et de l’architecture d’ensemble du quartier des handicaps pour son attractivité extérieure.

Le nouveau programme national de renouvellement urbain, validé en mai 2019, a pour principal objectif la valorisation du quartier dans une logique d’ensemble sur la ville basse du centre-ville de Maubeuge. Il prévoit la destruction d'envirion deux tiers des logements (soit 470 logements sur les 729 existants actuellement), mais il comporte des insuffisances, notamment sur les conditions de relogement des habitants. Le processus de relogement et le devenir des habitants actuels du quartier reste encore à préciser. La capacité du marché immobilier à absorber la construction prévue de 165 logements neufs se présente, en l’état actuel des choses, comme un défi difficile à relever.

Par ailleurs, les habitants reconnaissent que la localisation du quartier (à proximité du centre-ville, accès facilité aux transports en commun) est un réel atout dans leur quotidien. La mairie annexe est également un lieu repéré et apprécié sur le quartier comme un lieu de proximité, d’entraide, d’aide administrative et d’écoute. Pour autant, le quartier comporte peu d’équipements publics au vu de sa densité.
Les habitants perçoivent des efforts consacrés au cadre de vie, il est vrai que le bailleur social Partenord consacre 93000 euros d'abattement TFPB à la gestion urbaine et sociale de proximité.

Même si certains efforts semblent visibles, l'insécurité et l'image dégradée du quartier sont toujours présentes. Les habitants distinguent, au sein du QPV, trois secteurs différenciés, perçus comme vivant de plus en plus mal quand on va d’ouest en est, vers le fond du quartier. Les habitants soulignent la question de l’insécurité, en particulier dans le fond du quartier.
La lutte contre la délinquance a constitué la priorité des services de l'Etat. Quelques réussites sont visibles : les éléments les plus violents du quartier ont été écartés. Les phénomènes de coups et blessures à personne restent supérieurs aux moyennes nationales et régionales. Du point de vue des habitants, le sentiment d’insécurité persiste et l’image du quartier, véhiculée par les médias, continue d’en faire une zone à ne pas fréquenter.
L'image négative du quartier porte essentiellement sur les problèmes d'insécurité et non l'habitat, certains habitants (les plus attachés au quartier) ont par ailleurs une bonne image de leur lieu de vie.

Enfin, si les Provinces françaises n'ont pas bénéficié du PRU, les interventions publiques ont essentiellement consisté à tenter de répondre à l'urgence sociale et aux difficultés d’une population très précaire à travers le soutien financier des acteurs sociaux, implantés sur le quartier.
Les personnes isolées constituent la catégorie familiale la plus concernée par la pauvreté ainsi que les familles monoparentales à bas revenus.
Trois formes de fragilité sociale sont mises en avant: l’accès à l’emploi, l’état de santé, et la rupture familiale. Cependant, les différentes subventions accordées par différents financeurs ne s’inscrivent dans aucune stratégie commune, en effet les indicateurs de fragilité sociale évoluent peu dans le temps. En 2015, la part de la population vivant sous le seuil de pauvreté atteignait 70% contre 36% pour Maubeuge dans son ensemble. La proportion des jeunes adultes scolarisés de 15-24 ans est de 23%, la moyenne nationale s’élevant à 52%. Parmi les habitants de plus de 15 ans non scolarisés, 60% sont sans diplôme (la moyenne nationale est de 32%), et seuls 5% sont diplômés de l’enseignement supérieur (28% en moyenne nationale). 

EDUCATION

L'unique opération de rénovation urbaine du quartier a permis la reconstruction du groupe scolaire en 2016. Ainsi, deux écoles, l’école maternelle et l’école primaire Jean Mabuse, sont implantées au sein du quartier. Elles relèvent toutes deux de l’éducation prioritaire. Du fait de la carte scolaire, celles-ci sont peu ouvertes sur les autres quartiers et ne connaissent pas de mixité sociale, les écoles sont toutefois appréciées des habitants et à nouveau fréquentées. Les activités périscolaires et la restauration collective sont proposées à des prix attractifs.

Conscients des difficultés des écoliers, les enseignants comme les acteurs institutionnels et associatifs sont mobilisés pour favoriser leur réussite scolaire. Par exemple, la ville a mis en place des services périscolaires aux tarifs attractifs et l'équipe pédagogique de l'école maternelle propose le projet d’école maternelle 2018-2021 dont le principal axe est la lutte contre les inégalités. Les principaux objectifs sont d’atténuer les disparités langagières, de favoriser l’autonomie et la confiance en soi et d’apprendre à vivre ensemble.  D’autres initiatives ont été portées par le contrat local d’accompagnement de la scolarité ou encore par les ateliers de la réussite. En dépit de leur intérêt, le défaut d’évaluation de ces actions ou la faible adhésion des parents ne permettent pas d’en mesurer les effets réels. 

ACTIVITE & developpement économique

Le potentiel du quartier en termes de commerce et d’activité apparaît très faible. Le QPV des Provinces Françaises ne comporte pratiquement aucune activité économique ou commerciale. Il se caractérise par une dimension presque uniquement résidentielle, avec la présence de quelques activités associatives en rez-de-chaussée d'immeuble. Ces activités sont souvent sans lien direct avec la population du quartier (exemple : association pour la réinsertion des détenus ou pour les travailleurs du secteur sanitaire et social).  
Compte tenu de la situation du quartier dans la ville, la possibilité d’une offre de commerces au sein même du quartier est problématique : non seulement les habitants du quartier peuvent très facilement se tourner vers les commerces du centre-ville, très proches, mais la forme enclavée du quartier lui-même exclut complètement qu’une clientèle extérieure au quartier vienne se fournir chez un commerçant situé dans le quartier.