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Pour un territoire et des établissements scolaires plus mixtes : Retour sur le plan de la Haute-Garonne

L’Observatoire de l’expérimentation et de l’innovation locales de la Fondation Jean Jaurés  vient de publier une note permettant de revenir sur les particularités de ce plan au sein du département. Dans un contexte scolaire marqué par la publication des IPS,  les conditions de reussite nous paraîssent essentielles à essaimer. 

"Nul ne peut accepter que, dans certains espaces, la seule altérité à laquelle sont confrontés des enfants français soit les enseignants."

En décembre 2016, le plan pour la mixité sociale dans les collèges était lancé par la ministre Najat Vallaud-Belkacem. Le département de la Haute Garonne fait partie de ces territoires mobilisés pour lutter contre les inégalités et la ségrégation sociale dans leurs établissements. 

En 2015, la Haute-Garonne comptait 117 collèges : 96 publics (dont 4 en réseau d’éducation prioritaire « REP » et 5 en réseau d’éducation prioritaire renforcé « REP+ ») et 21 privés. La ville de Toulouse comptait, à elle seule, 24 collèges publics et 12 privés. Si, en moyenne globale, les collèges toulousains étaient plutôt équilibrés, il existait une forte concentration d’élèves favorisés dans les collèges privés et une forte concentration d’élèves défavorisés dans les collèges publics.

Au regard de ces constats, deux enjeux se dessinent :

  • De rendre possible la fréquentation de l’école, le temps de l’école, par des élèves issus de milieux sociaux différents.  Concentrer ces élèves dans des espaces de relégation sociale ne peut que les enfermer dans des spirales d’échec dont ils ne pourront jamais sortir. 
  • Limiter l’évitement scolaire qui aggrave l’absence de mixité sociale et culturelle. Cette dernière se fonde sur une double insécurité, celle du climat scolaire qui serait moins favorable aux apprentissages dans certains établissements et entraînerait, pour tous, baisse de niveau et retard dans les progressions, mais aussi celle de la violence, qui serait plus importante dans certains établissements. 

Le rôle essentiel joué par la politique de l’habitat social est une évidence et les collectivités locales ont aussi leur part à prendre, en collaboration avec les services de l’État et notamment les rectorats, pour œuvrer à repenser des politiques d’habitat créatrices de ghettos sociaux et donc scolaires, mais aussi les politiques de construction du bâti scolaire et notamment des situations géographiques des établissements.

Le département de Haute-Garonne n’a ainsi pas hésité à détruire un collège pour le reconstruire plus loin.

Le Conseil départemental ne pouvait donc pas agir seul sur ce dossier, en actionnant l’unique levier de la carte scolaire. Pour porter ses fruits à long terme, la démarche devait être menée conjointement avec l’ensemble des parties prenantes devant coopérer et agir en synergie : ville et métropole au titre du contrat de ville, l’Éducation nationale, l’enseignement privé, les enseignants, les parents d’élèves, les acteurs institutionnels et associatifs du monde éducatif et social, les élèves eux-mêmes.

La concertation citoyenne pour co-construire le projet

Cette concertation citoyenne a été l’élément clé de la réussite du projet en permettant son appropriation par tous les acteurs concernés. Elle s’est déroulée sur neuf mois, en trois temps, avant la mise en place de comités de suivi réguliers

  1. Partager les constats et le diagnostic, de débattre des enjeux et des hypothèses de travail pour faire émerger des mesures partagées et acceptables
  2. Organiser les moyens pour la réussite du projet.
  3. Deux comités de suivi pour faire le point régulièrement sur les avancées du programme et ses difficultés

Un projet profondément remanié par la concertation citoyenne

Pour sortir de la spirale de la non-mixité et donner toutes les chances de réussite aux élèves. La décision a été prise de fermer progressivement les deux collèges du Mirail, Raymond Badiou et Bellefontaine, qui subissaient de plein fouet la ségrégation urbaine. 

En attendant l’ouverture des deux nouveaux collèges, une nouvelle sectorisation progressive a été établie pour les élèves entrant en 6e . Ainsi, en septembre 2017, les élèves scolarisés en CM2 dans les 5 écoles du secteur de rattachement du collège Raymond Badiou sont entrés en 6e dans 5 collèges favorisés de la métropole toulousaine. Le nombre d’élèves du programme mixité s’élevait dans chaque classe de 6e à cinq maximum. Pour permettre l’affectation des élèves, chacun des cinq territoires d’écoles concernées a été appareillé à un collège favorisé identifié sur trois critères cumulatifs :

– un critère socio-économique : la composition sociale à dominante très favorisée des élèves ;

– un critère de capacité : le nombre de places disponibles hors dérogations entrantes ;

– et un critère géographique : le temps de transport entre le quartier défavorisé et le collège favorisé ne devant pas excéder le temps de transport scolaire départemental (trente minutes en moyenne par trajet

Un accompagnement départemental sur mesure des établissements et des élèves

Le département a mis en place 17 navettes permettant un transport direct et gratuit des élèves vers les 11 collèges d’accueil ; de plus, il attribue à chaque élève une carte de transport gratuite pour un aller-retour quotidien.

À l’intérieur des 11 collèges d’accueil, le département finance des actions de médiation assurées par l’association de la Fondation étudiante pour la ville (AFEV) durant la pause méridienne

L’ensemble de ces mesures d’accompagnement mises en œuvre par le département représente un budget annuel de 900 000 euros. 

Un dispositif d’incitation financière unique en France 

Le département a créé un système financier incitatif ayant pour objet d’offrir aux établissements, publics comme privés, accueillant une part importante d’élèves issus des catégories sociales les plus défavorisées, les moyens de réaliser des projets éducatifs ambitieux. Les règles de ce dispositif de « bonus/malus » ont été annoncées au secteur public comme au secteur privé un an avant leur mise en œuvre dans un objectif de transparence, ce qui laissait aux collèges en situation de déséquilibre le temps pour s’adapter et au conseil départemental le temps d’accompagner leurs efforts.

Les premiers résultats très encourageants 

Depuis le lancement du programme, les familles concernées ont très majoritairement respecté leur nouveau secteur d’affectation. À la dernière rentrée scolaire, les taux de respect de la nouvelle carte scolaire ont atteint 75% (secteur Raymond Badiou) et 78% (secteur Bellefontaine), contre un taux moyen global de respect de 60% à Toulouse

Concernant les résultats scolaires, deux cohortes d’élèves à avoir bénéficié de ce dispositif ont passé le diplôme national du brevet (DNB) en juin 2021 et en juin 2022, soit après quatre et cinq ans de mise en œuvre. Leurs résultats sont nettement supérieurs à ceux de leurs aînés, autrefois scolarisés au collège Badiou :

  • 63% des élèves en 2021 et 70,6% en 2022 ont obtenu leur brevet là où la proportion n’était que de 50% de réussite pour les élèves scolarisés au collège Badiou (+ 13 points). 

Sur l’orientation des élèves, plus de la moitié choisit une orientation en filière générale :

  • – 54,1% sont entrés en seconde générale et technique (contre 52,4% en 2021) ;
  • – 33,8% sont entrés en seconde professionnelle (contre 35% en 2021) ;
  • – 3,8% sont entrés en CAP (contre 7% en 2021) ; – 3,8% ont redoublé (3% en 2021).

Le volontarisme des acteurs locaux a été la force du projet, mais reste une fragilité intrinsèque à ce jour, qui a d’ailleurs été soulignée par l’ensemble des intervenants lors des dernières Rencontres nationales de la mixité sociale à l’école qui se sont tenues au département de Haute-Garonne en février 2022:

L’absence d’un cadre réglementaire ou législatif clair et obligatoire permettant de l’ancrer durablement.


L'IREV a selectionné d'autres contenus en lien avec la thématique de la mixité scolaire : 

Consultez le podcast suivant :  

Épisode 1/4 : Ecole : qui a peur de la mixité sociale ?

La mixité sociale, qui n'engendre pas de baisse de niveau des élèves, est souvent crainte par les familles les plus favorisées. Quelles politiques peuvent l'encourager ?

Avec

  • Marco Oberti Sociologue, professeur des universités à Sciences Po
  • Youssef Souidi Docteur en économie, co-auteur avec Julien Grenet d’un rapport sur la ségrégation sociale dans les collèges parisiens
  • Sylvaine Baehrel Présidente de la Fcpe Paris
  • Claire Mazeron Directrice académique des services de l'éducation nationale de Paris (DASEN)

Le rôle essentiel joué par la politique de l’habitat social est une évidence et les collectivités locales ont aussi leur part à prendre, en collaboration avec les services de l’État et notamment les rectorats, pour œuvrer à repenser des politiques d’habitat créatrices de ghettos sociaux et donc scolaires, mais aussi les politiques de construction du bâti scolaire et notamment des situations géographiques des établissements.

L'observatoire de la Fondation Jean Jaurès