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Cour des Comptes : évaluation de l'éducation prioritaire

La Cour des Compte a publié le 17 octobre 2018 un rapport d’évaluation de la politique publique menée sur « L’éducation prioritaire ».

Vous pouvez retrouver le rapport complet, ainsi que la synthèse de cette évaluation.

Le constat

La labellisation « éducation prioritaire » se base sur 4 critères : taux d’élèves défavorisés, de boursiers, d’élèves en retard en 6ème et d’élèves résidant dans un QPV. Les REP concentrent ainsi 2 fois plus d’élèves issus de Professions et catégories sociales (PCS) défavorisées (67% contre 35%) et trois fois plus de boursiers (65% contre 23%).

La détermination des écoles et collèges labellisés « éducation prioritaire » s’appuie, depuis 2014, sur un indice synthétique qui agrège quatre critères : taux d’élèves défavorisés, de boursiers, d’élèves en retard à l’entrée en 6e et, enfin, d’élèves résidant dans (ou à moins de 300 mètres) d’un quartier prioritaire de la politique de la ville. Les écoles rattachées aux collèges répondant à ces critères sont labellisées par capillarité et l’ensemble forme un réseau.

Les dispositifs de l’éducation prioritaire représentent un surcoût par élèves de +22% (876€). Le surcoût d’ensemble est ramené à 4% seulement par rapport aux moyens consacrés aux écoles et collèges.

La Cour des Comptes analyse  ainsi 40 ans de politique publique d'éducation prioritaire. Elle reconnait le rôle joué par l'éducation prioritaire et l'intérêt de cette politique publique. En effet, si les inégalités scolaires ne se sont pas réduites, l'éducation prioritaire a tout de même empêché que la situation ne se dégrade, dans un contexte où la situation sociale des élèves s'est fortement dégradée.

Toutefois, la politique d’éducation prioritaire ne répond pas aux objectifs assignés (réduire à moins de 10% les écarts de niveau entre les élèves de l’éducation prioritaire et les autres) et a besoin d'évoluer. Les inégalités socio-économiques continuent d’avoir un impact persistant sur les résultats des élèves.

Le diagnostic de la Cour des Comptes

Le préalable de mixité scolaire, qui peut permettre de limiter la concentration des difficultés, n’est pas là. Au contraire, les critères de définition de l’éducation prioritaire ont pu accentuer un phénomène de concentration des difficultés en créant des stratégies d'évitement. 

Le sur-encadrement, qui a fait ses preuves dans plusieurs enquêtes, n’était jusqu’ici pas assez développé. La mise en oeuvre du dédoublement des classes devrait représenter une plus-value à l'avenir. Le sur-encadrement est ainsi passé de 9,4% à 14%.

La scolarisation pour les moins de 3 ans n’est pas encore assez développée.

Les équipes enseignantes dans les REP et REP + ne sont pas stabilisées et concentrent les personnels les plus jeunes, souvent contractuels et dont les absences sont moins bien remplacées. Les actions menées (primes, décharges) n’ont pas rendu la fonction plus attractive pour le moment. Ce diagnostic est confirmé et étayé par l'enquête du CNESO paru en octobre également et disponible en cliquant ici

La gouvernance académique de l’éducation prioritaire n'est mise en œuvre de manière égale sur tout le territoire, dans une dynamique permettant d'intégrer premier et second degré et avec une véritable structuration du réseau.

Concernant l'évaluation, deux faiblesses principales ont été relevées :

  • Manque d’évaluation scolaire, notamment en amont brevet, bien qu’une évaluation du socle en mathématiques et français soit dorénavant prévue en 6ème
  • Manque de connaissance du profil des écoliers, pour affiner la carte de l’éducation prioritaire, notamment dans le premier degré
  • Pas d’évaluations spécifiques des dispositifs mis en œuvre (exemple de « plus de maitres que de classes »)

Les inégalités très fortes de niveau scolaire sont déjà largement acquises à l’entrée en 6e. Les dispositifs déployés ne parviennent dès lors qu’à stabiliser la situation.

Les évolutions susceptibles d’en améliorer l’efficacité

La différenciation de moyens pour les élèves scolarisés dans les établissements les plus en difficulté reste pertinents. Toutefois, la politique doit être révisée pour mettre en adéquation objectifs et moyens mobilisés.

Les principales préconisations de la cour des comptes sont :

Favoriser la mixité scolaire

  • Faire évoluer la carte scolaire en partenariat avec les collectivités territoriales

  • Associer les établissements privés sous contrat

Fortifier l’autonomie, la responsabilité et l’évaluation des réseaux de l’éducation prioritaire renforcée

  • Une autonomie renforcée, avec un lien plus fort entre premier et second degré et de plus grandes marges de manœuvre dans l’organisation et l’affectation des moyens.
  • Réfléchir à la mise en œuvre d’un statut d’établissement public avec des prérogatives élargies. Les partenariats entre établissements et collectivités locales doivent être renforcés, notamment sur la carte scolaire

Doter l’éducation prioritaire d’outils d’évaluation plus performants

  • Systématiser l’évaluation du socle commun
  • Alimenter des bases de données exhaustives, incluant mieux le premier degré
  • Systématiser des analyses de la performance des dispositifs

Concentrer l’action publique sur le premier degré en mobilisant les leviers à fort rendement

  • Intensifier le dédoublement des classes, avec un continuum sur 3 ans.
  • Scolariser les enfants de moins de 3 ans

Ajuster la gestion des enseignants aux besoins de l’éducation prioritaire

  • Affecter des enseignants disposant d’un minimum deux ans d’ancienneté
  • Développer le recrutement sur profil
  • Développer les affectiations temporaires de 3 à 5 ans, avec garantie de retour à l’affectation d’origine
  • Améliorer le régime indemnitaire, selon l’investissement individuel et l’attractivité de l’académie
  • Accentuer l’effort de formation
  • Faciliter le remplacement en donnant la priorité à ces établissements et en privilégiant le recours aux titulaires remplaçants

Revoir le processus d’identification des bénéficiaires et réviser les mécanismes d’allocation des ressources

  • Dégager des ressources budgétaires pour se centrer sur certains dispositifs efficaces
  • Réussir à prendre en compte les élèves en difficulté hors REP et REP+ en limitant les effets de seuil

Concernant plus spécifiquement les mécanismes d'allocation des ressources, la proposition suppose de revoir l'ensemble du mode de financement. Ainsi, l'ensemble du financement permettrait de prendre en compte la situation des élèves et des établissements, et non plus uniquement la dotation pour l'éducation prioritaire, qui a la lacune de créer des effets de seuil. Cela signifie la mise en oeuvre d'un continuum d'établissments "plus fluide et professif", mais également la potentielle fin d'une labellisation en réseau d'éducation prioritaire. Ces modes de financement seraient ainsi triples: 1/ revoir la dotation horaire globale selon les profils des élèves pour assurer un continuum entre les établissements 2/ une part versée selon la typologie des établissements pour maintenir un fléchage renforcé pour les établissements les plus en difficulté 3/ une part de la dotation horaire globale gérée par l'autorité académique afin de donner plus d'autonomie dans la mise en oeuvre et le soutien à des projets particuliers ou faire face à des difficultés locales.

La Cour des Comptes voit ainsi les réseaux d’éducation prioritaire comme des laboratoires de l’école du socle commun de connaissance et de culture et d’expérimentation des pratiques pédagogiques innovantes.

Publié le 22 octobre 2018